• S'exprimer à l'unisson

     

    AVEC LES OREILLES (31)

     

    C'était un soir d'avril sur l'île. On rentrait et il faisait nuit noire. Quand nous sommes sortis de la voiture, nous avons entendu ... comment décrire ça ? ... une clameur, un chant, un concert de mille voix inconnues ... C'était d'une force, d'une unité, d'une multitude ... inouïe !
    Nous avons marché dans des petits chemins sombres, pris une rue bordée de maisons silencieuses. Nous étions seuls, l'atmosphère était étrange et magique. Et nous sommes arrivés en bordure du vaste marais.

     AVEC LES OREILLES (31)

     

    C'était assourdissant, incroyable et beau. Tapies, invisibles, mais gueulardes, et avec faste, détermination et superbe, des centaines, des milliers de grenouilles en rut coassaient.
    J'avais la gorge serrée. Et l'impression d'assister à une grand-messe
    païenne, lubrique, libre. Dionysiaque.

    AVEC LES OREILLES (31)

                                                                                          Photos de nuit : le Krop

                                                                  (plus grandes si on clique dessus)

     

     Revenue sur terre, à la lumière et aux souvenirs, et à défaut de trouver sur la Toile le son que je viens d'évoquer, je me suis souvenue que dans les 45 tours de mon enfance il en était un où un accordéoniste au nom à coucher dehors -ce qui vient ici fort à propos-  jouait un air titré : La grenouille ... Voici la mélodie (assez marrante, non ?) :

                  (joué par Charles Verstraete)

    Écoutez donc ...  :-) ... ça dira peut-être quelque chose à certains d'entre vous, en tout cas ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie. Et peut-être plus encore la même chanson chantée, cette fois, par Francis Lemarque.

    En y réfléchissant, je me demande si j'ai jamais vu une grenouille de près, dans la vie réelle (autre que les pauvres batraciennes des cours de sciences nat) ... en tout cas je n'en ai aucun souvenir, et la bestiole me rebute un peu. Ce jour-là, cette nuit-là, j'ai tenté d'en voir, mais rien ! Elles étaient proches, mais cachées.

    Parler de grenouilles me fait penser aux crapauds. Des crapauds, j'en ai vus, de près, et j'en garde un souvenir apeuré. J'étais gamine alors. Dans le jardin, près du robinet il y avait un carré  assez profond, découpé dans la terre, humide, bordé de planches,  et parfois, quand on se penchait, un crapaud, couleur de terre lui aussi, et terré dans un coin, se tenait là.
    J'étais partagée entre l'envie de regarder et celle de m'éloigner. Attraction-répulsion. Je sens encore mon coeur battre à cette évocation. Qui peut raconter aujourd'hui encore cette peur d'enfance? Et qui, ce flamboyant choeur de l'autre soir, privilège magique d'un moment de mystère, et qui se superpose à l'autre souvenir ?

     


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