• Trajectoires

     

    Sans titre

     

    Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou, écrivit Camus. "Vous avez quatre heures, aurait-on envie d'ajouter" ! Voire ...       

    Un ami virtuel écrivait il y a peu : Ce début d'année nous prouve que les Hommes n'ont rien compris... Enfin quand je dis les Hommes... Ils n'ont rien d'humain... Je préfère profiter de la vie avant que la grande impulsion ne raye l'humanité de la carte du monde...

    Profiter de la vie, oui. Rien que l'avoir -encore- certes est un privilège. Mais avec ce fond permanent de lendemains qui ne chanteront pas pour grand monde, si le monde existe encore (oui, R., nous sommes bien d'accord) les dysfonctionnements, les déceptions, les lassitudes quotidiens nous usent encore plus, nous rendent poreux, plus encore, à la tristesse. Et si on a dépassé un certain âge, j'vous raconte même pas la cata.

     

    Chauds froids

     

    Discussion dans le train avec une autre passagère sur les incivilités ordinaires dans les transports (je ne sais pas comment c'est dans les autres grandes villes, mais dans la capitale c'est parfois pénible parce que ça revient sans cesse). Un jeune Noir, comme tant d'autres personnes, parlait -fort- au téléphone comme s'il était seul, étalant sa vie privée. Elle levait les yeux au ciel. Curieusement, j'étais, moi, moins énervée que d'hab par ce manque de politesse, dans un de ces jours où l'on se foutrait un peu de tout, parce qu'on en a marre, qu'on est vidé, qu'on est à côté de nous-même (d'ailleurs maintenant quand je supporte pas, je change de rame...) Elle ponctua d'un "Je lui dirais bien, mais la réaction !" Je lui assurai qu'en l'occurrence si ça dégénérait je me mêlerais à la bataille ... Elle me raconta alors qu'elle était excédée par les conditions de ses quatre heures de transport quotidiennes, qu'elle réagissait souvent, toute seule, qu'elle avait assisté une fois à un déshabillage en règle d'un jeune, à même le quai de métro, par une bande, qu'elle était intervenue, s'était fait insulter (après un "de quoi j'me mêle"!!!!), que les passants passaient, qu'elle avait couru prévenir les flics, dégoûtée de la vie actuelle. Pendant notre conversation le récit d'à côté avait pris fin et le calme était revenu. Scène ordinaire de la vie ordinaire.

    J'ai eu envie d'être égoïste alors, encore plus qu'avant, et de ne plus rien savoir de rien, de mettre ma tête encore plus profondément dans le sable (quelle image horrible, au propre comme au figuré) et de ne réagir que s'il se passe quelque chose, là, à côté de moi, pask'i faut pas déconner non plus, je ne suis pas un monstre et quoi qu'on pourrait croire, j'aime aider mon prochain et ma prochaine, quand ils sont dans la mouise.

     

    Chauds froids

    Quelques jours auparavant, j'avais, une fois de plus, élagué un peu chez moi, trié des vieux papiers, et ce ticket était tombée d'un vrac de vieilleries dans une boîte. J'ai souri, l'ai posé sur la table et revu cette journée-là qui reste dans mon cœur une succession d'heures -Tautou, restau de la rue, lumières de ville, quartier, tendresses, balade, douceur de silences et gaieté de regards, rires- ... délicates, une de ces pépites qui font la vraie vie aimée, celle que chacun(e) devrait connaître dans sa sérénité humaine. Plaisirs rares. Grâces. Moments qui tombent sur nous et nous régénèrent. Nous calment. De ceux qu'on aurait devant la beauté de l'océan, du ciel. Autrement.

     

    Sans titre

     

    Photos : L'œil du Krop ; illustration sonore : All the madmen, David Bowie (live du 26 avril 2016 à Los Angeles).

     


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