• Arpèges

     

              Obsessions

     

    Arpèges

                                                                                                         © L'oeil du Krop

     

    En y songeant, des mots ou des images, je ne sais ce que j'ai aimé en premier, et le plus fort. Comme si c'était hier, je me souviens de l'apprentissage de la lecture, sans me souvenir d'une souffrance autre que celle du rabâchage, un même texte répété ce qui me semblait des heures, par tous les élèves, les uns après les autres. Oui, en fait, je me souviens de la souffrance de l'attente, mais savoir lire, avec le souvenir, j'ai aujourd'hui l'impression que ça s'est fait naturellement, comme un chemin qui grimpe, mais de faible amplitude, et à un rythme raisonnable, parce que sans à-coups. Le seul mot dont je me rappelle la découverte magique, marquée, est la résolution de trois syllabes, qui tout à coup éclairèrent mon visage parce que ça voulait dire quelque chose : pa ... pi ... llon !!! Les petites pattes noires des bâtons, sur la page, devinrent des ailes qui décollèrent ; peut-être même, à ce moment, ai-je levé la tête !
    Les images, elles aussi, bougeaient ... j'en ai parlé il y a peu ... mais les images fixes, en revanche, me sont un souvenir troublant d'incompréhension. L'école, alors, nous apprenait des choses, mais ne nous en expliquait guère. Et je ne comprenais pas pourquoi, une fois par semaine, devant une scène de rue saturée de couleurs, et muette, l'institutrice nous posait des questions. "Qu'est-ce que vous voyez sur l'image ?" Foutreciel, elle le voyait aussi bien que nous, ce qu'il y avait sur l'image, qu'avait-elle besoin de nous le faire dire. Il eût été si simple de nous expliquer qu'à l'école, entre autres connaissances, la maîtresse était là pour nous apprendre des mots, une leçon de vocabulaire les enfants, ça s'appelle comme ça : c'est un discours qu'on peut comprendre au cours élémentaire. Au lieu de ça, timidement, quelqu'un -sans doute peu moi qui, en plus de trouver l'exercice débile, étais alors d'une timidité maladive- lançait : On voit des enfants (tu parles d'un scoop !). Oui, très bien, répondait la vieille madame Finance, et encore ?
    Quel rapport avec l'image d'aujourd'hui ? Aucun, sinon que c'est cette image-là, reflets, miroir, passages, réel et apparence, souvenirs et leurs inventions, qui m'a ramenée en face de mon premier livre de lecture dont d'ailleurs je ne me rappelle aucune image.
    Quel fut le déclic de mon attirance pour ces autres images que furent les photos ? Les premières fois, je veux dire ? Je n'en sais rien non plus. Et j'ai d'ailleurs traversé des périodes sans elles, même après m'y être intéressée. Aujourd'hui ? Aujourd'hui je ne sais ce qui m'obsède le plus des mots ou des images ... vrai, je serais bien en peine de le dire, à cela près que parfois se perdent des mots qui surgissent ... je me dis que je devrais sans doute, comme l'héroïne de La leçon de piano, me balader avec un petit carnet autour du cou, mais jonglant par là même avec la prothèse photographique que j'ai si souvent dans la main, et dont je me sers comme d'un clignement d'oeil. Ratés. Où vont les mots qu'on oublie, où s'envolent les images qu'on ne parvient à saisir de la main, à défaut de la rétine ? De l'autre côté d'un miroir sans tain, laissant flotter un instant quelque chose d'irréel et d'obstiné. Oui, ils et elles sont juste de l'autre côté. Forcément.

     

     

     L’espace se joue de mes sens, le sol questionne le ciel ...  Laisser filer. (I am Stramgram)
    (Pour la vidéo, c'est ici).

     
     

    « Les yeux fermésInterlude »

  • Commentaires

    1
    Samedi 24 Février 2018 à 12:22

    intrigante ton analyse qui nous plonge en nous-même à savoir qui de l'image ou du mot a le plus d'importance et ce depuis le début de notre éveil à l'un et à l'autre ... 

    j'ai la nette impression que c'est en premier l'image qui a ouvert mon imagination, voyant dans les nuages des formes qui n'en étaient pas, me donnant le goût d'écrire des signes qui n'étaient pas encore des mots que je cachais dans toutes les encoignures trouvées comme des traces de mon vécu ... j'ai très vite appris à lire et à écrire pour pouvoir enfin voler de mes propres ailes ...

    amitié .

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:00

        Beaux souvenirs ! Je ne sais pourquoi, je t'imagine très bien, enfant, couchée dans l'herbe, souriant et rêvassant, les bras derrière la tête, et regardant les nuages. Merci pour ton com, Marie-Claude. Amitiés.

    2
    Samedi 24 Février 2018 à 13:46

    Transparence, sous texte, sur impression...

    Aller plus loin, oui.

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:00

        Toujours plus loin oui ; la question est de savoir jusqu'où...

    3
    Samedi 24 Février 2018 à 15:01

    Première chose : ton article m'est annoncé sous le titre Arpèges. J'ouvre ledit article et voilà que tu l'as baptisé Obsessions. Étrange... ! Mais bon, j'ai lu avec intérêt. C'est d'autant plus intéressant que tu ne sais pas déterminer ce qui t'a retenue de prime abord. Du crayon à l’œil ou de l’œil au crayon ? Je crois que tu as eu les deux motivations tant ta manière de photographier que celle d'écrire. Si je viens aussi souvent, c'est parce que j'apprécie pleinement les deux facettes qui correspondent toutes deux à ta sensibilité. Les mots me suffisent pleinement, mais il fut un temps où je pratiquais avec bonheur la photographie. Notamment les portraits. Nombreux. Mais c'est vrai que les mots ont toujours eu ma préférence. Et très tôt.

    Tu écris : " les petites pattes noires des bâtons, sur la page, devinrent des ailes qui décollèrent". Très poétique cette image du papillon. Qui me font me souvenir des bâtons que j'alignais avant même de savoir former les lettres (mes sœurs allaient à l'école) et que je disais "j'écris". Je devais avoir à peine trois ans. Que c'est donc loin tout cela... J'apprécie ta manière très personnelle d'évoquer tes souvenirs et surtout d'exprimer, en maniant tant la photographie que le verbe, des ressentis qui m'émeuvent.

     

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:17

        Concernant la proximité de mes deux titres : Arpège, et Obsessions, je conçois que tu puisses être étonné. Je ne suis pas musicienne, mais dans un premier temps j'ai pensé, sans vérifier le sens, à des notes éparses qui formeraient un tout un peu foutraque ... par ailleurs, tu constateras que le mot apparaît à côté du mot "café" et sans doute inconsciemment est-ce ce qui m'a influencée ... j'avais pensé à pizzicati, aussi, le mot s'accordait  das ma tête à ce que je voulais faire de cet article. Contraste avec "Obsessions", certes, mais pas tant que ça : si les mots musiciens relevaient de la forme, mes obsessions relevaient du fond, et même des fondations, de l'origine ... mots/images ... images/mots ... sans cesse ...
        Quant à tes compliments, je les apprécie toujours et t'en remercie. Par ailleurs, je trouve toujours beaucoup de plaisir à lire les souvenirs, les ressentis que tu (m') offres ici.
        Tu parles d'un temps passé de la photographie ... t'arrive-t-il de passer sur le site où je poste une photographie chaque jour, et dont voici ici le portfolio ?

    4
    Samedi 24 Février 2018 à 16:25

    Dire ce qu'on voit,  l'écrire, tout un apprentissage. Mais d'abord il nous faut apprendre à regarder, ce que les adultes nous incitent à faire tout petits. J'ai parfois l'impression que souvent nous voyons sans regarder, d'où tout l'intérêt de la photo, de l'image fixe.

    Merci pour cette belle réflexion, et pour la vidéo, extra!

    Un beso.

     

     

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:02

        Je suis contente que la vidéo t'ait plu, comme à moi ; peu s'intéressent à la partie musicale de mes billets.
        Merci, de façon générale, pour ton commentaire. Je t'embrasse aussi.

    5
    Dimanche 25 Février 2018 à 11:46
    daniel

    Les photos figent le temps et les mots s'envolent. Ecouter et savoir regarder est un véritable apprentissage.

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:01

        Oui, un apprentissage permanent. Et plaisant. Merci.

    6
    Dimanche 25 Février 2018 à 15:01

    j'aime infiniment ta photo, quant à tes mots, je peux écrire presque les mêmes tant mes questions s'approchent des tiennes...bisous

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:03

        Merci pour ces concordances ! Bisous.

    7
    Mardi 27 Février 2018 à 07:42

    Tes photos ont cette particularité de saisir un instant qui semble toujours en mouvement... comme si tu cherchais à échapper à cette fixation du temps, du reste illusoire, et c'est bien ce que tes mots disent... le temps qui fuit, et toi qui l'interroges...

    Le petit carnet, j'ai essayé plus d'une fois (pas autour du cou quand même), mais finalement j'en ai très peu usé. Je crois toutefois que c'est le même processus que celui du photographe: il faut s'extraire de l'instant, de la vie, prendre la photo sans y être, et pourtant y mettre autant de soi qu'on peut (ou qu'on veut) :-)

    Oui, au fond c'est peut-être çà écrire: s'extraire de la vie pour la décrire... Bisous interrogatifs

      • Mercredi 28 Février 2018 à 00:07

        "S'extraire de la vie pour écrire" : c'est marrant, je n'avais jamais envisagé la chose sous cet angle : c'est très intéressant. Cela dit, je te retourne des bisous aussi intérrogatifs que les tiens. Et merci de ta bienveillance perenne. Tendresses.

    8
    Samedi 3 Mars 2018 à 13:14

    Belle photo avec plein de plans et d' autoportraits, beau texte, moi qui ne me souviens que de tellement peu, tout est noyé dans la masse grise, et douce musique bien trouvée.

      • Samedi 3 Mars 2018 à 13:58

        Merci d'avoir écouté la musique ; merci de me complimenter. Quelle dommage que tes souvenirs se fondent dans le gris ... encore que le gris, je trouve, est une fort jolie couleur ...

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