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Atterrissage
Les après.
Le rideau est retombé, lourdement, s’affaissant sur le sol. Et la réalité commence à me rejoindre petit à petit. Hier, les obsèques. Je m’étais dit, ayant jusqu’à présent fait en quelque sorte le déni de cette réalité, n’ayant pas vu Sylvie dans un sale état, et je ne pourrai jamais me la représenter mal, diminuée, autrement qu’en imagination, donc sans support d’affect négatif, hier donc, pendant que nous applaudissions son départ vers d’autres spectacles, plus célestes, je me disais que j’allais réaliser, que cette personne que nous avions connue, n’allait plus être que cendres pailletées de souvenirs vivaces, colorés, déchirés, déchirants. Et puis non, pas tout à fait encore. Le corps physique, caché, environné de lys et de post-it d’amour s’est soustrait à nos yeux pendant que notre cœur le retenait encore, et nous, nous sommes sortis, à nouveau dans la vie. Il y avait eu beaucoup de recueillement, de pleurs silencieux en partage, de mots, sans pathos, pleins de poésie, d’amour et de philosophie de son fils ; de mots graves, follement amoureux de cri fervent de son compagnon ; de silence de citadelle verrouillée de sa fille, retrait, protection, mystère. Une douleur assise mais pas encore digérée, comment le serait-elle, d’eux qui avaient vécu ces instants-là dans sa chair et dans la leur. On est restés un peu ensemble, certains, en attendant un verre partagé et une présence en commun avec la famille, un peu plus tard. On est restés un peu ensemble comme on le fait pour se réchauffer dans les grands froids, et d’ailleurs il pleuvait froid, comment aurait-il pu en être autrement. On a peut-être parlé de choses et d’autres, on a pris le métro entre deux mondes, secouant quelques instants nos pensées tristes, comme on secoue un vêtement de l’eau trop lourde qui le rend pesant.
Mais tout nous rattrape toujours. Moi, c’était ce matin, déjà, en regardant le diaporama passé hier pendant la cérémonie, en revoyant cette boule d’énergie, de mouvement, de mimiques et de rires. Une même phrase me revient sans cesse en tête qu’elle disait, à chaque spectacle : "Merci de votre confiance". Je n’ai jamais compris pourquoi elle disait ça, à nous, alors que ç’aurait dû être le contraire, et nous qui … D’ailleurs, je n’ai rien pu, su écrire d’autre que cela, hier, pour elle, sur le petit papier qui alors l’a accompagnée au milieu d’un bouquet d’autres : merci !Sylvie, je t'offre cette chanson-là, cette mélodie-là, puisque j'ai cru comprendre que tu allais à jamais te promener dans sa forêt. Que l'éternité te soit douce.
Tags : Nicole Cholewka Atterissage
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Commentaires
Tu donnes envie de l'avoir connue... quitte à vivre sans recul aucun cette déchirure qu'est la disparition brutale au monde...
Tes photos irradient la présence, sa vitalité, sa beauté. Comment admettre que cette vitalité ne soit plus? C'est toute la problématique du deuil. Il faut admettre, reconnaître, et puis souffrir. Parce que le chagrin des départs définitifs, ça ne se bricole pas à la sauvette, ça vous habite en profondeur, et ça vous suit longtemps, comme un pain dur qu'il faut bouffer, seul, jusqu'à la dernière miette.
Reste qu'elle a semé de bien jolis cailloux, ta Sylvie, bien lumineux, comme autant d'étoiles, sur sa route, pour ceux qui l'ont connue et ceux qui viendront.
Le "merci pour la confiance", je le comprends tellement! Quand des êtres pensants choisissent de vous suivre, de s'en remettre à vous, de livrer tout ou partie d'eux-mêmes, de ce qu'ils sont, de se "dénuder" en quelque sorte moralement, sans crainte du ridicule, et s'en trouvent mieux, plus forts, plus présents au monde, qu'ils viennent vous le dire ou qu'on le constate dans leur attitude qui évolue, ce qu'on éprouve, c'est, bien plus fort et bien avant le sentiment d'avoir été utile à quelque chose, une immense gratitude. C'est fou le cadeau immense que vous fait quelqu'un qui s'en remet à vous pour apprendre, évoluer, s'exprimer, grandir...
Tendresses ♥
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Mercredi 28 Juillet 2021 à 20:54
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3patrickMercredi 28 Juillet 2021 à 20:32La Mort, cette saloperie , rompt définitivement le cycle de la présence et de l'absence, auquel on est habitué par notre capacité humaine à avoir la notion de la permanence des gens et des choses.
C'est au moment où on constate qu'une personne aimée / importante / chère (peu importe le qualificatif) n'est pas là , où ne fait pas quelque chose d'habituel, que le travail de deuil peut réellement commencer.
C'est l'expérimentation de cette absence inexplicable qui nous est souvent la plus difficile d'entre toutes .
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Mercredi 28 Juillet 2021 à 20:56
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4StéphaneMercredi 28 Juillet 2021 à 22:29Quel joli message Nicole, que ces mots sont doux à mon oreille.
Sébastien et moi n’ayant pu être présents ce jour avec vous tous, nous nous immisçons grâce à ce texte au milieu de vous tous avec remerciements et gratitude.
Bises et à bientôt, dès que la pluie froide sera passée…
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Mercredi 28 Juillet 2021 à 23:04
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Un jour tout le monde s'effacera....Cela fait parti de la vie( si j'ose dire)....Naître pour mourrir......Mais qui a donc inventé cela. Ton texte est beau et puissant !
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Jeudi 29 Juillet 2021 à 17:32
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Moi je crois que les vies s'enchaînent les une, les autres. La mort n'est qu'un passage d'un état à un autre mais je doute quand même. Pourtant j'a été témoin à plusieurs reprises que l vie ne s'arrête pas là mais continue ailleurs.
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Vendredi 30 Juillet 2021 à 19:01
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Je viens de recevoir (par e-mail) ce message, mais comme vous le voyez, sans indication sur la personne qui me l'a envoyé, désolée ; je veux bien que tu me dises qui tu es en passant par mon mail nchk@free.fr, en espérant qu'il n'y aura pas de probs de ce côté-là, l'informatique étant chez moi des plus fantaisistes en ce moment. MERCI :
Message de Nikole Krop, envoyé par le formulaire de contact de loeildukrop.eklablog.com
Sujet : Impossibilité récurrente
E-mail : nchk@free.fr
Impossible de poster quoi que ce soit sur ton blog. Voici ma réponse à ton article les après. Si toutefois je parviens à l'expédier.
J'ai tant de disparitions à mon actif : c'est pesant. mais à la longue, à force de continuer à vivre, on finit par dépasser le stade de l'affliction, sans pour autant cesser de pleurer celui ou celle qui nous a quittés. Le temps, rien que le temps qui efface la tristesse, mais oublie de remiser la nostalgie de cet autre qui nous manque.
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Merci pour ton passage Kathy.
Je t'embrasse très fort.