• AVEC LE COEUR (50)

    Être en paix avec soi

     

    AVEC LE COEUR (50)

                                                                                          

    D'abord,j'ai cru, en l'entendant après être montée dans la rame, que c'était un de ces illuminés qui vous prédisent une vie paradisiaque si vous vous en remettez à Jésus. Et puis non, le jeune homme parlait d'amour, mais sans prêcher, à ce qu'il m'en a semblé, en tout cas. Je ne le voyais pas, j'entendais juste sa voix. Il disait que la seule façon de survivre en ce monde, c'était de s'aimer (soit ! il a dit les uns les autres, quand même, ce qui, a priori, relève de la religion). Et surtout, surtout, a-t-il ajouté, de pardonner. C'est la seule façon de redresser la barre, de s'en sortir. J'ai beaucoup de mal avec la notion de pardon, alors j'ai été interpellée. Je me sens, moi, des sursauts de haine, envers ce qui tue, décapite, abat, ne se montre plus humain : comment peut-on avoir la force (je dis force ne sachant quel autre mot employer) de pardonner à celui qui est bourreau ? J'ai déjà vu des reportages où des gens pardonnent à d'autres, qui pourtant leur ont tué un être cher. Cela dépasse mon entendement. Ce qui est frappant, c'est la paix qui se lit sur leurs traits, comme si parvenir à pardonner faisait partir de soi la tempête. Je ne sais pas si j'admire ça, enfin si j'admire cette faculté-là, mais je ne sais pas non plus si elle fait avancer le monde (la haine non plus, certes). C'est en tout cas une question qui me trouble beaucoup.
    Le jeune homme est ensuite passé dans les travées quémander de l'argent : je l'ai à peine vu, j'ai deviné un bonnet de laine, un bras tatoué de tout son long, avec de grosses bandes noires ethniques, je crois.
    Je suis descendue et je l'ai vu de près quand il est sorti à la même station que moi. Il s'est assis. Je me suis approchée et j'ai éprouvé le besoin de lui parler de ce truc, là, du pardon. Je ne sais s'il était dans le besoin, ou à la rue, je n'aurais pas pu dire. Il était maigre et assez mal attifé, certes, mais comment savoir ? Nous nous sommes regardés et j'ai été estomaquée par la tranquillité qui émanait de son visage. J'avais trouvé beau ce qu'il avait dit et le lui ai dit. Mais je ne pouvais pardonner aux terroristes et aux coupeurs de têtes, ça non, je le lui ai dit aussi. Il comprenait, il savait que c'était difficile. Si je savais ce qu'il avait dû endurer dans son enfance. Mais malgré tout hein ! Il faut, il le faut ! Il souriait, il avait les yeux clairs, il irradiait la confiance. Je l'avoue, j'ai été impressionnée par cette personnalité-là. En même temps, j'avais, et le coeur un peu serré, et de l'empathie pour ce grand gamin au corps fragile et au mental fort. Je lui avais donné en l'abordant le peu de pièces qui me restaient et que je voulais lui donner déjà lors de son discret passage ; en le quittant, je lui ai serré la main et je suis partie. En un geste léger, vif, irisé, il m'a envoyé un baiser rapide du bout des doigts.

     

    « AVEC LE COEUR (49)AVEC LE COEUR (51) »

    Tags Tags :
  • Commentaires

    1
    Mercredi 10 Juin 2015 à 07:11

    tolérer c'est déjà énorme. tolérez vous les uns les autres aimer c'est autre chose..

    ..laïque....

    2
    Mercredi 10 Juin 2015 à 08:43

    Surprenante rencontre... Une fois (ça remonte c'était au temps où j'étais insomniaque), j'ai croisé un grand monsieur noir qui m'a demandé "Are you Jewidh" (je portais une longue barbe à cette époque là) j'ai répondu non. Un gars s'est foutu de moi "Vous le connaissiez ? Vous êtes Anglais ?" Le grand black a continué : "Do you believe in god ?" J'ai répond : "Non". Il m'a dit : "You are wrong God is every where, in the sky, in the trees, in the ground, in the subway". Il est sorti, la porte automatique s'est refermée. Depuis je raconte cette histoire comem une de mes renconters les plus surprenante du temps où j'étais insomniaque car j'avais l'impression de ne pas être tout à fait réveillé...

    3
    Mercredi 10 Juin 2015 à 09:58

    Très difficile en effet de pardonner vraiment…mais pardonner ce n'est pas oublier.

    Merci pour ce très beau et profond récit

    Bonne journée

    4
    Samedi 13 Juin 2015 à 00:11

    Voilà un récit-témoignage que j'ai beaucoup apprécié.  Merci.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    5
    Samedi 13 Juin 2015 à 08:50
    Loqman

    Voila une page qui va m'accompagner aujourd'hui.

    6
    Dimanche 14 Juin 2015 à 20:31

    Merci à vous d'avoir réagi si aimablement à la lecture de ce texte. Bonne soirée.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :