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AVEC LES PAPILLES (6)
G comme (le) GÂTEAU du dimanche
J'étais partie pour aller au Salon du Livre ... j'étais partie, façon de parler, puisque j'y réfléchissais seulement, sans bouger. Et puis, la perspective de la foule m'a fait hésiter si longtemps qu'ensuite, il était trop tard pour avoir le temps d'y flâner.
Alors au milieu des choses domestiques, je me suis mis en tête de faire un gâteau dont j'avais repéré la recette sur un blog (comme si je n'avais pas assez de livres de cuisine), et qui me permettait d'utiliser mon sucre muscovado et ma farine d'épautre.
Hé oui, le Krop fait dans la fiche-cuisine, aussi ; mais je n'irai pas jusqu'à vous donner la recette, rassurez-vous ... ou alors, si vraiment vous insistez ... Mais à toutes faims utiles, quelques précisions : hormis les deux composantes sus-citées, sachez que le gâteau ne comporte pas d'autre gras que celui des deux oeufs, et qu'il est fourré à la pomme (et accessoirement, touche perso, de quelques brisures de noix caramélisées).
Le "gâteau du dimanche", c'est une tradition évoquée dans la littérature et le cinéma, au moins de celle, de celui qui datent un peu, me semble-t'il. Dans le village où j'habitais, à Fagnières, le boulanger passait en camionnette. Il pâtissait aussi, et je me souviens que ma grand-mère nous achetait parfois des gâteaux, mais je n'ai pas souvenir que c'était le dimanche ; ce dont je me souviens, c'est que c'était systématiquement un moka, et que la crème au beurre m'écoeurait, mais jamais je n'aurais osé réclamer autre chose.
Ce qui m'a beaucoup plus marquée, ce sont les gâteaux polonais que ma grand-mère, elle, faisait ; j'ai encore présent à l'esprit la forme et presque le goût dans la bouche de délices dont elle a emporté la recette à jamais avec elle.
J'en parle en quelques lignes isolées dans un ancien texte que j'avais titré Olga :Dans le train qui file, je parcours avec un bonheur mélangé, celui des enfances retrouvées, un petit lexique de voyage polonais-français.
Je me mets à rire parfois en susurrant des syllabes qui me reviennent.
*Une fois l'an, ma grand-mère faisait les gâteaux.
Toute cette journée-là, sa cuisine ruisselait de sucre et de chaleur épaisse autour de la cuisinière en fonte.
Je la regardais, immobile, muette et recueillie. Elle se tournait parfois vers moi, et dans un bon sourire, faisait quelque commentaire : "Pas oublier mleko dans gâteau, sinon gâteau trop dour !"*
Ailleurs, un autre train file dans la même nuit.
Contrôlée près de moi, la jeune étrangère n'a pas répondu un mot à la question posée.
Appliquée sur son dictionnaire bilingue, elle en tourne lentement les pages, la lèvre retroussée, attentive, comme si elle l'apprenait par coeur.*
Endormie enfin, comme une enfant épuisée par le grand air, elle émet un souffle un peu rauque.
Penchée, une petite médaille pieuse danse autour de son cou, et se retourne à intervalles irréguliers, faisant briller doucement, dans la faible lumière, un o dans un prénom.
Tags : la plume du Krop, Nicole Cholewka Le gâteau du dimanche
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Commentaires
2Alice FéléLundi 25 Mars 2013 à 20:08Je ne voudrais pas faire d'avantage saliver les gens mais...aussi bon que beau !!
Encore merci
Merci à l'un pour le compliment littéraire, à l'autre pour le compliment pâtissier. Même si les deux sont un petit peu exagérés ... Euh ! je prends quand même !
Bonne soirée.
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Miam, il accompagnerait bien mon café à cette heure...
Beau gâteau et très beau texte, comme tous ceux que vous nous donnez à lire quand vous nous faites découvrir un peu de vos souvenirs.
Et tant pis pour le salon du livre, même si vous eussiez pu nous en rapporter quelques photos intéressantes.
Bonne journée.