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Chapitre 23
Un jour j'ai commencé -et jamais terminé, je piaffe et fonce et stoppe net au milieu du pré, les arrivées m'effraient-elles toujours ?- une entreprise littéraire que je souhaitais en 26 fois 26 opus -en l'occurrence des textes très courts- avec pour base une idée plus ou moins érotique, c'est-à-dire allant de la tendresse à la pornographie ... des textes d'amour, donc. J'avais d'abord titré ça Texticules, qui ne signifie après tout que petits textes, mais la langue s'amusant bien avec la phonie, le titre, un jour, de Licence poétique, bien plus idoine, m'est tombé dessus ; si d'aventure je mène à bien ce projet, c'est celui que j'adopterai. Si je parviens à quitter le quai 23. Je vous propose ici un échantillonnage extrait d'ici et là, dûment passé, non au philtre d'amour, mais au filtre d'une certaine décence que réclament les échanges courtois que nous partageons ici.
A
Mon ange et mon démon,
mon araignée d’azur,
au firmament du rire,
mon amour corseté
de liens et de murmures
dans les mains du désir.B
Barefoot, je saute pieds nus sur le sable ...
comme la marée tu es parti
laissant sur mes orteils, mon cœur, mon foie, mon râble,
des algues, des trémies
de sel inaltérables
qui rongent mes abattis.C
Cherre–moi fort, chéri,
que je chois dans tes bras
comme un chaur dans cha boîte
comme un ch’veu dans cha natte
comme une fleur dans une cherre
comme une shœur dans cha cornette
comme un chagrin d’amour dans l’cœur
d’une midinette.D
Demande ! n’hésite pas !
Dis-moi, dis ! que veux-tu ?
Des désirs, des diamants, des doutes dissipés ?
Des attentes, dos nu, prêt aux caresses franches
du fouet, de la corde, de la cravache drue ?
Des baisers doux mouillés sur tes lèvres menues ?
Je te donnerai tout, et même davantage
si tu m’aimes cœur nu, le reste de notre âge.E
Et puis il y a eu ce parfum, sur son col
d’une eau portée jadis pour fleurir mes étés ;
on était le matin, tu allais travailler,
et j’ai laissé tomber mes larmes dans mon bol.F
La forme de tes yeux
au format de mon cœur,
le ferme de ta peau
au format de ma main,
ma femme aux mille dessins
au repas de mes faims.G
Elle s’est fait refaire les seins
deux gros lolos bien concentrés ...
Her name is Dji... el...o...ar...aïaïaïaïe
GLORIA ...H
La hache dans ta main s’éloigne avec l’éveil !
J’ai crié ! Cauchemar ! L'ombre seule de ton bras au soleil
de l'été entoure mon corps
ensommeillé,
hache menu tous les reliefs de mes rêves de mort.I
Infus est ton amour dans mes veines bleutées
qu’il irise de rouge : voyelle rimbaldienne ;
mon corps est innervé de tes mots :
quand tu me dis je t’aime
mon cœur à l’infini tutoie l’éternité.J
Quai de Javel,
nettoyer notre amour
en le foutant à l’eau !K
Si tu me kittes, je serai K.O.
tout en kit, bon pour la kasse.
Kiffe-moi encore,
garde-moi dans tes p’tits papiers
kraft,
tu seras ma princesse,
je serai ton kalife,
même, tu seras mon sang !
je serai ton kalice ...L
Pour nos retrouvailles labiales
après quinze jours d’abstinence
les rivières de nos bouches sont si triviales
que ça frôle l’indécence.M
La Mort viendra bien assez tôt,
la grande, avec sa majuscule ...
En attendant, assassin de mes nuits
donne-moi,
avec la régularité du geste du faucheur,
encore et encore,
mille petites morts.N
Nue elle exhibe
un nombril sans défaut
naturellement belle
et grosse de son ego.O
Obéré l’avenir ...
à la station Auber
entre deux RER
tu m’as offert une bière
en me disant adieu
en me laissant K.O.P
Avec une plume, un pinceau
je ne sais écrire ta peau ...
alors ma main seule dessine
des pleins et des déliés,
des caresses appuyées,
languides,
sur ton dos, sur ton échine.Q
Dans les qaaludes et le red wine
comme Bowie quand il chantait Time
je picole et je rends mon âme
la vie manque d’amour et de flamme
t’es retourné avec ta femme.R
Resserrer les liens avec toi
qui remets sans cesse nos émois
à plus tard, au soleil, au bon endroit, au bon moment encore que sais-je ?
Notre vie flotte au vent comme un bouchon de liège.S
Le silence est étale
comme une mer sans bruit ;
je ronronne et je râle
dans le cœur de la nuit
que ton corps ombre de pâleur :
tu susurres des mots
à l’huis de mon cœur.T
Tais-toi, j’ai bien trop mal.
Non, parle, continue, encore et puis encore,
je veux tout savoir, tout,
de ta voix qui me mord,
même si je dois te perdre,
même si ton œil est noir,
même si tout mon corps
est froid comme un caillou
oublié sur la grève,
même si je finis par en perdre le nord.
UTu tournes les talons,
mon cœur est à l’ubac
et le soleil se couche juste derrière toi ...
je voudrais être ubique
te tourner autour, ici et là
dans l’ellipse de ta planèteV
Esprit de vain
des amants qui s’éloignent ...W
What else qu’un café, une clope, un ciné,
un sandwich, accoudés au zinc pâle d’une gare ?
On ne partage plus que des moments blancs, voire
des regards détournés, des jeux de mains hagards.X
Histoire X :
les joujoux du hibou
se sont pris des cailloux !
Pouh ! Pauvre chou !...
depuis, il est pâle des
genoux !Y
Nous jouons au yoyo dans nos corps et nos têtes ...
Le cœur ? n’en parlons pas ...
il est au bord des lèvres,
il est au bord des larmes,
il est au bord des cris
qui alternent leur chant
de tristesse ou plaisir
quand nous rendons les armes.
Unis dans notre cercle,
nous bougeons et jouons
mais retrouvons toujours notre forme initiale.Z
Des zigzags de larmes
zèbrent mes joues
tu me secoues ...
Je voudrais zapper la violence
ne pas me faire dé-zinguer.
Je t’entends me dire je t’aime
quand je m'écroule sur le pavé ...
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Commentaires
Beaux poèmes où je devine l'émoi d'en parler. Une phrase contient tout : une très belle définition pour cet ensemble qu'une phrase résume fort bien : Notre vie flotte au vent comme un bouchon de liège.
Ah la versification pour exprimer les ressentis... C'est d'un excellent niveau et ne ressemble pas à cette littérature de gare que l'on trouve dans tous les kiosques. D'une certaine manière, ça met du baume à l'âme.
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Mardi 26 Mai 2020 à 09:46
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pourquoi parle t-on si peu de ces élans de joie ? ils sont pourtant la trame de toute vie, sans qui nous ne serions, j'ai aimé tes transports ils sont "la nature" de nos êtres !
et si bien dit !
amitié .
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Mardi 26 Mai 2020 à 09:48
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Je me suis délectée, souvent j'ai pensé ces deux derniers mois que si j'avais eu 20,30 ou 40 ans les peaux, les caresses auraient été mon passe-temps favori.
Alors tous tes mots, leur rythme, qui disent tout, (oui c'est soft), et m'ont enchantée à cette époque où, oui:
"On ne partage plus que des moments blancs, voire
des regards détournés, des jeux de mains hagards."Merci!
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Mardi 26 Mai 2020 à 19:58
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hé, hé, tu as raison, ce plaisir des corps, des caresses et de baisers existe à tout âge, ça nous manque à tous en ce moment...ce qui leur donne l'importance qu'ils devraient toujours posséder!
Bonne journée.
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Mercredi 27 Mai 2020 à 10:56
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Que c'est beau! Tendre, drôle, triste, sensuel, tellement, tellement sensuel... Les éblouissements du désir, les étourdissements du plaisir, la volupté quand tout n'est que tendresse partagée, et puis aussi, l'amour qui s'en va, la déchirure...
La forme en abécédaire est un joyau, le tout une vraie pépite. Punaise, ce que tu écris fort!
Je t'embrasse♥
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Vendredi 3 Juillet 2020 à 11:31
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Que d'esprit par ici... Quels beaux souffles littéraires...
Grand merci à toi. Je suis contente que tu apprécies ma prose ...