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Diversions
L'idée : Au début des années 2000, je tombais souvent, dans le métro, sur le journal gratuit : "20 minutes". Y étaient inscrits, régulièrement, des faits divers ; je pris alors l'habitude, de temps en temps, d'écrire une courte fiction en rapport. Je viens de tomber sur un de ces textes. Que je vous livre. Les autres ? Perdus, ou égarés, comme tant de papiers ou de souvenirs de ma vie : j'espère les retrouver un jour.
Article : Le mystère du cadavre de l'Hôtel-Dieu reste entier : Les Hôpitaux de Paris n'étaient toujours pas en mesure d'expliquer l'identité et les circonstances de la mort du cadavre retrouvé lundi à l'Hôtel-Dieu, en état de décomposition. Il pourrait s'agir d'une fugue d'un patient, la victime portant un pyjama au logo des hôpitaux de Paris. ("20 minutes", 12 septembre 2002)
Ses jambes étaient très abîmées, mais il était si heureux d'avoir échappé à l'enfer qu'il ne sentait plus la douleur. Il ne comprenait pas par quel miracle il avait réussi à s'introduire sans se faire voir dans cette partie de l'hôpital, annexe de la lingerie sans doute, encombrée de tubulures et de montagnes de paquets de linge en attente. Il y faisait chaud comme il n'espérait plus, lui qui passait ses nuits encartonné, attaqué, seul dans l'hiver, les morsures, la méchanceté des hommes et des éléments.
Il faisait bon et il se trémoussait comme un gosse sur ses courtes pattes. À quoi tient le bonheur ? À quoi tient le plaisir ? Les vieux murs suaient comme une étuve et il y dessina des ronds tièdes. Ôtant ses antiques loques il se frotta lentement au mur lisse comme un vieux chat malade à l'écorce d'un arbre. Pour un peu il aurait ronronné. Il ne sentait plus ces maux qui, il y a quelques heures encore, excoriaient son corps de douleur et d'épuisement. Il savait qu'il s'éteignait, et que ces quelques instants-là étaient un cadeau. Il se roula et s'enroula dans un paquet de linge séché loin là-bas, à l'écart, dans un coin, entre des piles immenses. Il se lova. Protégé et rêveur. Il se revit alors enfant, quand le jeu était, au chaud, dans le sable, au soleil, de fermer les yeux et voir sous ses paupières des dessins qui dansaient. Il se lova encore et se dit, dans un sourire et une presque douceur, qu'il allait faire un long, long somme.
Tags : Nicole Cholewka Diversions
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Commentaires
2patrickLundi 17 Février 2020 à 15:28Il s'en passe de belles , dans les hôpitaux ...... ;)
Mais c'est toujours aussi bien écrit et aussi beau.
La cruauté et l'abandon vécus, subis par ce malheureux personnage , de la part de ce qui aurait dû le protéger et le soigner, ne relève hélas pas entièrement de la fiction.
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Mardi 18 Février 2020 à 23:00
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Idée originale que celle d'adosser une courte fiction à un faut réel. Essai ici réussi. La plume du Krop vaut bien son célèbre oeil. La chose vaudrait bien publication. Propose à un éditeur. Florentin
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Mardi 18 Février 2020 à 23:06
Tu m'as fait sourire. Le monde de l'édition ! Déjà, je suis trop paresseuse pour écrire vraiment. Et puis je n'y connais personne.
Mais moi qui suis amoureuse des images et des mots, des mots et des images, je suis très sensible aux gentillesses que tu m'écris, et t'en remercie vivement.
(D'ailleurs, pour ces textes, j'avais écrit à l'époque au journal concerné, qui ne s'était même pas donné la peine de me répondre).
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Ta plume est belle, et déchirante. Et implacable. On en sort pourtant étrangement consolé. Il est mort en paix.
((( les écrits perdus sont perdus, mais pour les égarés, tu devrais insister... j'dis ça... j'dis rien... comme on dit...)))
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Mercredi 19 Février 2020 à 14:28
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Tout simplement magnifique. Tu fais d'une échappée un rêve de douceur. Les mots sont justes, l'expression simple, mais vraiment splendide. Un peu comme un rêve. Et pourtant, c'est triste, très triste. Je dirai, après écrit que c'était vraiment beau, que cette fiction recèle quelque chose de très vrai : combien meurent dans la rue, faute d'avoir un abri ? Combien se protègent avec des cartons pour ne pas trop sentir la morsure du froid ? Une manière comme une autre de dénoncer ce que notre société a de plus laid : l'abandon de ceux qui n'ont déjà rien.
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Mardi 25 Février 2020 à 08:50
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Touchante micro fiction, bravo.
Merci Thierry !