• écrit

     

    L'île

     

    La bibliothèque de la classe, verrouillée, habitait un vaste pan de mur, derrière les pupitres du fond. Ses clefs brinquebalaient parfois, accrochées à la ceinture de cuir du maître, imbriquées à celles qui ouvraient l'armoire à pots de mesure en étain et d'autres les cabinets réservés au corps enseignant.

     

    La vitrine, inaccessible, me semblait receler tous les trésors de la tête et du cœur. Vaste basilique de verre, elle était une image vivante, précise, claire et ordonnée de tout ce que je devrais savoir un jour.

     

    Notre semaine terminée, une fois notés les devoirs de conjugaison à faire à la maison, et juste avant de nous faire sortir, le maître distribuait, au hasard, les livres d'une ou deux étagères, nous enjoignant solennellement à ne pas dépasser un délai de quinze jours pour notre lecture, sans quoi nous serions de fameux fainéants.

     

    Un dimanche de hasard chanceux, je m'abreuvai avec délices d'une oiseuse histoire romantique qui me tira des larmes de bonheur. Le lundi matin, l'espoir d'un autre plaisir surmontant le repli de ma timidité, je quémandai un nouveau livre, avouant piteusement comme j'avais lu vite celui-là. Le maître alors, jaloux peut-être d'une passion qu'il sentait naître et que lui n'avait sans doute jamais vécue, me fit copier cinq cents fois au futur simple, et à la forme négative, le verbe mentir.

     

     

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                                                                                     ar©hives du Krop

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 9 Mai 2020 à 07:21

    Ton article du jour me fait penser combien j'ai aimé emprunter des livres à l'école primaire, un véritable échappatoire dans le rêve et l'aventure.

    Bon w-end!

    Bises de Mireille du sablon

      • Samedi 9 Mai 2020 à 09:02

        Merci pour cette visite, et ce souvenir, Mireille. Bises et bon week-end également.

    2
    Samedi 9 Mai 2020 à 14:43
    Passtelle

    Terrible histoire d'injustice, qui laisse des traces, c'est sûr... 

      • Samedi 9 Mai 2020 à 14:57

        Au point en tout cas de ne l'avoir jamais oubliée ! Heureusement sans avoir réussi à éteindre chez la petite fille son futur amour des livres, qui deviendra indéfectible. 

    3
    Samedi 9 Mai 2020 à 17:12

    Beau texte !


    J'aime bien la photo. Les filles devant et les gars derrière, c'était ainsi lors des leçons, ou pour les besoins de la photo ?


    Pour ma part, au même moment : pas de filles dans ma classe à la petite école. Puis, à l'aurore de l'adolescence, j'étais dans un séminaire, tout à fait masculin. La première fois que j'ai eu des filles dans mes salles de cours, c'était à l'école publique, à 16 ans ! Pas étonnant d'avoir du retard dans le domaine...

      • Samedi 9 Mai 2020 à 17:36

        Merci Mario !
        Nous étions ainsi pour la photo, mais je crois bien qu'on était "rangés" aux pupitres fille-fille, garçon-garçon, enfin je crois, et à la récréation, sûr, séparés !
        Bah, tss ! tss ! Je suis pas certaine (et même je suis certaine que non) que le soi-disant retard (:-)...) ait à voir là-dedans ...

    4
    patrick
    Samedi 9 Mai 2020 à 17:16

    encore un qui se complaisait dans le Corps En Saignant ??

    sinon, 2e rang , 3e en partant de la fenêtre ?, avec une 'tite frange ?

      • Samedi 9 Mai 2020 à 17:41

        Un maître à l'ancienne, qui tapait sur les doigts et tournait l'oreille de Nono Parmentier jusqu'à ce qu'elle soit écarlate. C'était trop autoritaire à l'époque -nous étions terrorisés- à l'inverse d'une attitude parfois trop laxiste aujourd'hui, à ce que j'en entends dire.
        Bingo ! Tu es perspicace ... photo qui ne date pas de l'époque relatée (pas retrouvé de photo) mais même au petits+CP, la bonne femme qui nous servait d'instit' était une vraie peau de vache.

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    5
    Samedi 9 Mai 2020 à 17:38

    les livres conseillés par l'école que je fréquentais n'étaient pas mon premier choix, j'allais donc à mon rythme  trouver ceux que j'aimais à la bibliothèque du quartier ... et quand fièrement j'en faisais le résumé pour un devoir scolaire ... j'étais montrée du doigt ... n'en déplaise, j'ai lu plus qu'à foison ...

    jolie photo de classe tout sourire dehors !

    amitié

      • Samedi 9 Mai 2020 à 17:43

        Ben voilà ! :-) Merci pour cette anecdote raccord de ton expérience à toi.
        Amitié.

    6
    Samedi 9 Mai 2020 à 19:42

    J'ai dû être traumatisé aussi dans mon enfance, maintenant je ne lis plus que des BD ...
    Dans mon souvenir, au moins au début c'était encore écoles séparées ... (comme Mario, du retard ...)

    Beau "I Remember" et amusante photo de la petite Nicole à qui on aurait donné à l'époque "le bon dieu sans confession" ...

      • Samedi 9 Mai 2020 à 20:20

        Ne me fais pas rire ... Mariobis ...
        Pourquoi : "à l'époque" ?? ...

    7
    Dimanche 10 Mai 2020 à 07:49

    C'est con un maître.
    Moi c'est le prof de gym qui m'avait fait copier des pages de Petit Larousse pendant le weekend (qui ne commençait que le samedi après-midi à l'époque).

    JE HAIS LES PROFS DE GYM !!!

    Avec un peu de chance il est mort maintenant.
    J'ai la rancune tenace. :-)

      • Dimanche 10 Mai 2020 à 08:36

        Bienvenue ici et merci.
        Notre week-end commençait aussi le samedi après-midi (je suis des années 50 ... :-) ...)
        Désolée d'avoir réveillé ce douloureux souvenir ; je me demande bien ce que tu avais fait mais j'espère que tu n'es pas dégoûté des dictionnaires. Et dommage que celui-là t'ait fait haïr tous les profs survêteux ... Quant aux maîtres, pour moi, ce fut le seul ... après, j'aurais des profs, dont certains me marqueront d'une vive lumière.
        Bon dimanche.

    8
    Lundi 11 Mai 2020 à 15:59

    Plus que fâcheuse cette punition et tout un symbole du pouvoir du maître qui se permet tout et ne permet rien. Heureusement que cette punition ne t'a jamais empêchée de te livrer à ce que tu aimes faire. Je me dis que, parfois, les maîtres (ou maîtresses) ne sont vraiment pas à la hauteur de leur fonction parce qu'ils se contentent d'appliquer des règles anciennes qui semblent prétendre que seul le maître a le savoir et que l'élève n'en a aucun. Or, on peut très bien tomber tout seul dans le plaisir de lire. Soit on est porté à aimer la lecture, soit on ne l'est pas. Et ce ne sont pas les leçons de français "encadrées" selon certains préceptes éculés qui induisent l'amour de la lecture. Je me souviens d'une rédaction (en 4ème) dont le sujet était "vous êtes allés au cirque, racontez". j'avais choisi la prestidigitation. Au retour, la prof a décrété que je ne l'avais pas écrite mais que c'était soit mon père, soi ma mère. Le truc à ne pas dire à un élève car c'est à le dégoûter des mots. Et donc des livres.

      • Lundi 11 Mai 2020 à 16:11

        Ce que tu racontes à propos de ta rédaction est à l'image de mon histoire ; merci de l'avoir partagé. Et merci pour tes passages ici.

    9
    Mardi 19 Mai 2020 à 11:17

    Pfff, misère ! Tu me rappelles les piles que je ramenais de la bibliothèque junior de mon quartier, qui grossissait  chaque semaine dans l'espoir d'en avoir assez pour 7 jours.

      • Mardi 19 Mai 2020 à 11:55

        :-) ...

    10
    Vendredi 19 Juin 2020 à 12:03

    J'ai connu une mésaventure similaire au Mousquetaire, en CM2. Une rédaction libre sur l'automne que j'avais conclue par une image de peupliers comparés à de "hautes chandelles courbées par le vent". L'instit, une jeune remplaçante, m'a fait venir à son bureau pour me demander dans quel livre j'avais recopié ces mots, et m'a accusée de mensonge nonobstant mes dénégations en larmes.  Je n'ai oublié ni l'humiliation, ni sa persistance à nier mon imagination enfantine (même s'il est évident que j'étais, comme tout le monde, influencée par mes lectures, déjà multiples à l'époque, je lisais tout ce qui me tombait sous la main, y compris les ELLE de ma mère et les San Antonio de mon père ((en cachette ceux-là, et autant dire que je ne comprenais pas tout)) ). Elle ne m'a ôté ni mon goût pour la lecture, ni pour l'écriture, mais j'en ai conçu une méfiance vis-à-vis des enseignants (elle était la 2ème à me faire ce genre de coup), un désamour de l'école où je ne suis plus allée qu'en traînant les pieds, et elle a contribué à ancrer un manque absolu de confiance en mes possibilités créatrices. Pouah, les sales bêtes que ces enseignants qui ne méritent pas leur métier!

    Bise solidaire

      • Vendredi 19 Juin 2020 à 13:20

        L'anecdote que j'évoque se passait aussi au CM2. Notre sentiment d'injustice est immense quand on est enfant et qu'on vit ces situations. En ce qui me concerne, ma mémoire fait le déni des suites de cette histoire. Le maître de toute façon nous terrorisait, et je crois que je me faisais toute petite. Quelle misère que cela ait occasionné sur toi de tels dommages. Et quand je pense à la beauté de ce que tu écris, je m'étonne du manque e de clairvoyance -et de psychologie- de certain(e)s enseignant(e)s de l'époque (la première instit. que j'ai eue à l'époque de la photo était une peau de vache qui n'avait pas une once d'empathie pour les petits que nous étions) qui sans doute pensait que la valeur attend forcément le nombre des années. C'est vrai que c'était bigrement bien trouvé, ton image, de quoi s'étonner, mais une seconde seulement, et éventuellement d'en parler.
        Ah là là ! Baiser rétrospectivement consolateur.

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