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Fiction
L'effrontée
Des voix tremblent sur les murs. Tais-toi, terreur, mais tais-toi ! En retrait, presque cambrée en arrière, j’avance un pied glacé au bord du carrelage clair. Des halos ondulent sur ma peau. Raideurs. Sueurs. J’ai peur.
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File indienne, en avant, même la dernière tu n’échapperas pas au sacrifice. Encore un pas et ça cogne ; tu imagines un gros cœur rouge sur des jambes grêles et tu te mets à rire ou à pleurer, tu ne sais pas. Quand on te pousse, ton talon érafle le bord.
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Mourir. Corps puits liquide. Gestes flous blancs, cris voix hagarde, quelle idée de parler dans l’eau ! Hoqueter mourir cracher tomber encore. Et vingt paires d’yeux soudain, mi-rigolards mi-compatissants.
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Il consent à me revoir quelques heures pendant ma convalescence de lui. J’ai mis des bijoux tu vois je ne suis pas seule. Un maillot bariolé mais non je ne suis pas pâle. Je pose un doigt sur son bras, j’avais oublié, déjà, la texture de ta peau. Et je cours vers l’eau et jette mes larmes, ne plus penser, dans les reflets, vertiges, le silence bleu. La nuit noire. Sourde, muette, aveugle. Oubliée.
Tags : Nicole Cholewka Piscine
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Commentaires
Un texte étrange qu'il faut lire avec beaucoup d'attention. Tu as tenté de faire ressentir ce qu'est la peur au ventre et c'est réussi : les phrases sont hachées, courtes, lancinantes. S'agit-il de la peur de l'eau ? Ou bien d'une peur indicible ? En tout cas, pour moi qui n'aime pas l'eau, qu'elle soit bleu en piscine, noire dans les étangs et remuante en bord de mer ou sur un bateau, tu as su exprimer quelque chose que l'on ressent ou peut ressentir quand on n'est plus sûr de soi et qu'on a l'impression de se noyer.
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Lundi 25 Mars 2019 à 13:15
L'eau me fascine, et en même temps j'en ai peur, dans certains cas. La peur de perdre le contrôle, probablement, de ne pas réussir à échapper au vertige, à tous les vertiges. Comme tu le dis si bien, le sentiment de noyade n'est pas inhérent à l'eau ; en l'occurrence, dans ce texte, il peut être aussi un symbole, on y lit et comprend ce qu'on veut. Merci beaucoup.
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4patrickLundi 25 Mars 2019 à 16:20Encore un beau texte ( très beau .. ) ....on jurerait que tu es vraiment en train de vivre cette terreur.
Et si c'était le cas, tu as sublimement réussi à le transmettre.
La mise en mots de tels instants est si difficile , si compliquée ....pour restituer ces fragments de secondes , sur le fil d'un rasoir tellement vécu, tellement présent , tellement Là , que le souffle en est coupé , qu'il faut un talent monstre pour l'écrire.
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Lundi 25 Mars 2019 à 19:37
Quel éloge d'écriture : merci beaucoup cher Patrick.
(Le titre vient du film ainsi titré, où dans une scène l'ado est terrorisée par l'eau. Comme je le dis dans la réponse au com précédent, l'eau peut être un vertige, et enfant je fus terrorisée comme elle ...) Ce qui ne m'empêche pas de l'aimer, l'eau, car nous sommes des êtres de paradoxes. Mais ce vide ! Ces profondeurs ! Cet étranglement potentiel du souffle !
Je t'embrasse.
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Un "beau" texte "inquiétant", heureusement titré "fiction", mais on sait bien que la fiction trouve toujours ses racines ...
Cette photo (et le texte) me fait aussi penser à la superbe chanson d'Adjani (Gainsbourg)
Bonne soirée.
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Lundi 25 Mars 2019 à 20:39
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même quand les mots s'y essayent, peut-on ressentir la souffrance endurée ?
amitié .
Je ne sais pas, Marie-Claude, je ne sais pas. Amitiés.