• Là-bas

     

     

    Les seuls bleus

     

    Bleus

     

     

         Ceux que j'aime et que toujours j'aimerai, ce sont ceux de la mer et du ciel. Quelquefois, l'air a cette couleur. De légèreté. De presque transparence brillante, palpable, vibrante ; vivante. 
    Pourtant mon bleu est bien souvent trop loin, encagé, cerné par la lisière des souvenirs. Un carré, comme un cadre qu'on dessine avec les doigts ... on le faisait, enfant, quand on jouait à prendre des photos sans appareil. Un cadre pour limiter l'océan à sa main, le retenir ... retenir la marée, le sable. Et même le cri des oiseaux.
    Une envie furieuse me prend de descendre ces marches, de pousser les murs de l'image. Le pont n'est pas très loin, pour le regard, juste en face. Il faut le deviner. Il faut savoir qu'il est là. Qu'imagine-t'on d'un lieu à travers une photo, qu'imagine-t'on de l'espace qui le cerne ? De sa respiration ?
    Il n'y a pas si longtemps, dans la rue bordant cet azur sombre, on pouvait passer en voiture, se garer en face de l'eau, s'asseoir et regarder. Travaux. Sans doute la prochaine fois, ce sera joli et propre et piétonnier, mais ça changera les anciennes images, celles de quand on allait encore au Homard bleu, celles où je regardais les maisons de cette rue-là, en m'imaginant que je pourrais habiter l'une d'elles, ouverte sur la plaine marine.
    En fermant les yeux, je sens le sable mouillé bleu crisser sous mes pieds nus et le vent décoiffer des cheveux que j'ai pourtant coupés. Pourquoi ai-je un amour si vif, si poignant, pour cet endroit, cette île qui n'en est plus une, puisqu'un pont la relie à la terre. Quelles idées je me fais qu'il ferait bon y vivre quand le temps des vacances doit y être insupportable pour ses habitants ? Que s'y passe-t'il qui me rive à ses rives et à ses rêves ? J'y vais quand les autres en repartent, parenthèse magique, chaque fois, en partageant avec Lui cet amour-là, aussi ; que fera-t'on quand, confrontés à la réalité d'autres quotidiens vagues, notre lieu inaltérable ne sera plus qu'un mirage ?

     

    « InterludeSortir du champ »

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 10:34

    Quel beau texte !

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 13:00

        C'est gentil ! Merci Mario.

    2
    patrick
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 14:40

    La Mer, toujours et encore , fascinante , attirante et captivante .

    en effet , comme tu l'évoques, la question  du " y vivre à plein temps" s'est posée a nous .

    comme tu le dis, la vie de ceux qui  y vivent est épouvantable 3 mois par an .

    pour avoir pesé le pour et le contre pendant des années au sujet d'un appartement familial en bord de mer , sur la Méditerranée , et d'un petit studio , a nous en Cote d' Opale, revendu depuis , la question a vite cessé d'en etre une...trop de monde , trop de bruit, trop de ..tout, trop souvent

    pour y vivre, a la retraite , ou avant , ça m'était impossible . habiter a une ou eux encablures de l' Ocean , ou toute autre Grande Mare aux Canards est la solution l plus satisfaisante.

    2 heures de route et on y est , pour un , 2  3 jours ?? qui sait , a des époques calmes, hors affluence, là où elle est un peu plus  accessible dans un calme  plus apaisant.

    l'occasion de pousser régulièrement les bords de la photo, élargir un peu le plan, vérifier que l'escalier est toujours à la même place , puis repartir , et revenir, ainsi de suite , comme nos grandes marées a nous .

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 16:35

        Bah, je ne suis pas dans la réalité. Je rêvais de pouvoir, n'importe quand, sur mes vieux jours, pouvoir marcher ou enfourcher un vélo et aller écouter l'océan s'échouer près de moi dans la nuit qui tombe, même sous les embruns de novembre. Et mon cœur s'anime pour une île où des foules viennent pendant l'été. Partant, les maisons à louer ne le sont que pour les vacanciers ou à des résidents secondaires. Quant à acheter, nous ne le pourrons pas, pas de sous. Il faudra avoir des demi-rêves. J'atterrirai probablement en Charente ... pas trop loin ... et où il y a des gens bien et que j'aime. Mais nous n'en sommes pas encore là, et à chaque jour suffit sa peine, comme à chaque saison revient sa veine, d'aller là-bas, chez nous, hors affluence, en touristes...

    3
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 14:50

    Oui, un beau texte Nikole et une superbe photo. On comprend tes interrogations, il est important de choisir le bon moment pour ne pas se faire de bleus à l'âme et rester dans le rêve et la poésie. Bises sur fond de ciel bleu bleu bleu.   brigitte

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 16:27

        Comme tout cela est bellement dit ! Merci Brigitte. Bises.

    4
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 14:59

    Nostalgie de ce fut et qui n'est plus. Mais la vague qui détruit les châteaux et se retire sans cesse nous invite à en construire d'autres. Plus beaux ? Pas sûr, mais châteaux tout de même. Du genre, par exemple,  de ceux qu'on construit en Espagne et qui nous font rêver .. Florentin

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 16:26

        Les châteaux que j'aurai construit l'auront toujours été sur le sable ... à l'heure du marchand de sable ... dans les rêves ... je me contenterai(s) d'une masure ... mais où ? :-) Merci Florentin.

    5
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 15:06

    t'as d'beaux Bleus ! tu sais !... smile

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 16:24

        Comme c'est dit mignonnement ! :-) Merci Eva !

    6
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 15:21

    Je préfère pas m'attarder sur la question finale, mais je comprends que la très belle photo de base amène à ce genre de réflexion.

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 16:23

        Ah ! Les questions finales ! :-) Merci Thierry.

    7
    Vendredi 27 Juillet 2018 à 18:59

    c'est une question que je me suis déjà posée ... 

    avec le temps tout se transforme, paysages d'enfance disparus, saveurs d'antan impossible à recréer, l'air même que nous respirons n'est en rien comparable à celui de notre jeunesse, mais ils nous restent gravés en nos souvenirs  ... c'est déjà ça !

    amitié .

      • Vendredi 27 Juillet 2018 à 19:31

        Les temps changent. Et mon esprit tourne, patine. Il fait si chaud. Merci d'être passée sur mon sable bleu qui crisse à marée basse. Et ... oui ... c'est déjà ça ! :-) Amitiés.

    8
    Samedi 28 Juillet 2018 à 15:15

    ..nous avons encore le droit de rêver...sans en être taxée!

    Ce bleu de la mer, je le retrouve une semaine par an, c'est peu mais indispensable!

    Bises de Mireille du sablon

    ...ces sculptures se trouvent à Commercy en Meuse.

      • Samedi 28 Juillet 2018 à 17:45

        Même si c'est peu, comme c'est indispensable, c'est mieux que rien... Merci et bises.

        (... et pour les ceusses qui se demandent pourquoi Mireille me parle de la ville aux madeleines, c'est qu'elle répond à une question que je lui ai posée sur son blog ...)

    9
    Samedi 28 Juillet 2018 à 20:56

    Je connais cet escalier ...
    Les choses changent mais la mer sera là, toujours et encore ...

    Beau texte et belle photo.

      • Samedi 28 Juillet 2018 à 21:07

        :-) Merci beaucoup JL !

    10
    Lundi 30 Juillet 2018 à 14:20

    aaah oui je comprends tout à fait ! 

      • Lundi 30 Juillet 2018 à 14:23

        ... je n'en doute pas ... merci d'être passée chez moi ! ... :-)

    11
    Lundi 13 Août 2018 à 08:20
    Annick SB

    Merci pour ce beau texte qui m'a inspiré ce matin .... Nos bleus ...

      • Lundi 13 Août 2018 à 08:43

        Merci -beaucoup- pour ce signe amical ici et le si beau parallèle lexical là-bas :-)

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