• La plume du Krop

     

    Lignes de mire

     

    La plume du Krop

     

     

                               Toutes aveugles, semi-verticales, les statues humaines, assises dans les wagons du métropolitain, tous aveugles, le visage fixe et les yeux traversés, quand on les regarde, assis comme eux, aveugle semblable sans doute de l'autre côté, de rondins lisses, métallisés, patine, comme des faces embrochées par la lumière aux pics du quotidien, de l'ennui des jours, couloir anthracite ouvert sur des vies sans tain.
    Parfois dans ce quadrillage, prison tranquille, square, échiquier des fous dans une arène exsangue, des masques décalent l'ordonnance des traits, un visage se penche et une étoile brille sur l'oreille d'une fille qui dort, royale ; des mains se croisent et le bracelet d'argent qui ceint un poignet sombre s'imprime sur ma bouche, éclat,  verre brisé en reflets infinis dans la nuit des haillons.

     

    « InterludeInterlude »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 21 Octobre 2021 à 07:33

    Tu as su transformer l’observation attentive de ce trajet dans la "prison tranquille" en un texte fort, terrible et poétique.

    Merci ! Bonne journée.

      • Jeudi 21 Octobre 2021 à 08:28

        Merci infiniment d'être passée ici et d'y avoir laissé des mots si touchants !

    2
    patrick
    Jeudi 21 Octobre 2021 à 07:37

    Quand j'ai passé 10 mois à Paris , pour une formation, j'avais aussi remarqué ce dont tu parles mieux que je  ne l'aurais fait.

    Ce no-man's Land où , paradoxalement, tout se fige pour l'individu, dans un mouvement gigantesque et incotrolable .

    un peu comme la rupture du Continuum Espace-Temps , chère au Doc Emett Brown.

    Chacun, venant de sa propre vie ( belle , moche ou inqualifiable ),  descend dans ces trous vers un tunnel  plus ou moins long. Il s'y retrouve au milieu de milliers de gens ayant le même parcours :

    je viens de ma Vie > une halte dans le métro >> je retourne dans  ma Vie.  Ce qui s'est passé entre les 2 , 3 stations, ou même la traversée de Paris (via la rue Poliveau ), n'a pas existé. c'est du temps de mise en Off, ça ne compte pas . C'est l'Histoire de tout un chacun, qui franchit la première marche descendante de la Station, à Châtelet, ou qui la monte à Glacière. Y compris pour la contorsionniste de la photo qui a son pied droit derrière son épaule droite . Respect.

      • Jeudi 21 Octobre 2021 à 08:33

        Si un jour je quitte ou quand je quitterai cette ville de fous, le métro est un des lieux qui me manquera, pour ses couloirs aux affiches lacérées (cela dit de plus en plus sous verre) mais surtout, intra-ramos, pour tous ces visages, ces corps ; pour toutes les images et les mots que ce monde-là m'inspire, maëlstrom tranquille de sentiments souvent contradictoires.
        Un grand merci pour ton récit à toi.

    3
    Jeudi 21 Octobre 2021 à 14:04

    il y a longtemps que je ne pratique plus les transports en commun, il m'arrivait alors d'imaginer ce qui se passait derrière ces regards figés ... que de vies n'ai-je pas inventé ? 

    j'aime lire tes propos à cet égard ... cela me rajeunit !

    amitié .

      • Jeudi 21 Octobre 2021 à 14:31

        Ravie de te rajeunir  :-)
        Amitié.

    4
    Jeudi 21 Octobre 2021 à 16:23

    J'ai failli m'arrêter sur l'interlude qui précède, admirable photo qui dit à la fois la splendeur terrible des éléments, la hardiesse de l'humain et la folie des croyances, et comment le tout forme un monde effroyablement beau, malgré tout...

    Et puis ta plume m'a emportée, une fois de plus.

    J'ai lu tes Chronik à la suite les unes des autres, comme on plonge dans un livre, journal intime (extime un peu) d'une femme qui part à la rencontre d'elle-même et des questions qu'elle se pose, des questions de vie, en tête à tête avec elle-même, et qui semble bien trouver ses réponses. J'ai lu et relu tes mots, tes textes parfois comme sans début et sans fin, mais toujours tellement exacts, écrits comme on se regarde dans le miroir quand on se maquille. L'œil. La bouche. Détail après détail. Miroir, mon beau miroir, dis-moi la vérité. Des textes écrits comme si les mots débordaient de toi pour venir faire écho chez nous, mots vivants, généreux et tendres, inquiets et fragiles, indignés souvent, drôles parfois, qui disent le quotidien, les difficultés à mettre en accord les actes et les idées, et les rêves d'une vie plus tendre. Ce sont les textes émotions d'une femme qui ose, simplement, magnifiquement, dire et le sens et la vie, et être elle-même.

    ♥♥♥

      • Samedi 23 Octobre 2021 à 21:56

        J'ai toujours du mal à répondre à tes commentaires, j'ai l'impression que tu parles de quelqu'un d'autre. Je suis incapable de parler de ce que j'écris, admirative que d'autres puissent le faire, avec tant de talent, et émue d'y découvrir autant d'émotion. Alors je ne peux dire que ça : que je suis touchée, très. Et reconnaissante. Très, aussi.
        ♥♥♥
        Désolée pour ton poignet ! Il y a des jours où on rêve d'être ambidextre, pas vrai.

    5
    Vendredi 22 Octobre 2021 à 17:55
    daniel

    Le monde souterrain, anonyme,muet avec parfois des éclairs de vie. Je me souviens lorque je travaillais. Tous les matins, il y avait un type qui montait dans le métro avec sa trompette et qui jouait un petit morceau....Moment anachronique que j'appréciais beaucoup....Le réveil en fanfare !

      • Samedi 23 Octobre 2021 à 21:49

        Jolie et marrante, ton histoire !

    6
    Mardi 26 Octobre 2021 à 10:52

    Un portrait étrange. mais sublimé par ta description poétique. Bravo

      • Samedi 30 Octobre 2021 à 22:05

        Un grand merci !

    7
    Lundi 24 Octobre 2022 à 23:38

    une ligne telle un bandeau sur les yeux. Superbe portrait, mystérieux et poétique.

    Portrait faisant écho au texte qui décrit, là aussi poétiquement une situation qui, quand elle n'est pas vue à travers ton œil, pourrait paraitre tellement banale.

      • Mardi 25 Octobre 2022 à 07:03

        Merci infiniment d'être passé sur ma page et de l'avoir commentée : ça me touche.
        Bonne journée !

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