• Plume de Krop

                                            Le moratoire

     

     

    La plume du Krop

     

    Il était fort tard lorsqu’elle rentra. Calme, il patientait sur le canapé. La table était mise pour deux. Il l'avait attendue pour dîner. Cette attention lui fit plaisir –le partage et l’irrita à la fois : elle l’avait prévenu qu’elle n’avait jamais faim en sortant d’un cocktail, abreuvée un peu, nourrie assez, à la fois par les petits fours et par des conversations futiles mais qui dans certains contextes semblaient avoir du volume, simples baudruches pourtant, dégonflées subitement quelques heures après.  
    L’air était lourd dans l’appartement, malgré le ventilateur géant. Il lui demanda si ça allait et si elle avait faim. Elle réexpliqua, avec une certaine impatience. Alors il se fit une assiette froide et retourna devant la télé.              
    L’air était lourd et elle ne savait quoi faire de son corps. Elle était épuisée mais il faudrait bien qu’elle lui dise ; sans y parvenir jusqu’à présent.     
    Elle sortit sur la terrasse en espérant un air moins dense. La chaleur du dehors décroissait petit à petit. Elle s’étonna d’un beau ciel si cotonneux, si rouge, si mauve, si protecteur. Le ciel, les nuages, c’était mieux qu’un médicament, ça réconciliait avec le monde. Moins que l’océan, mais quand même. Ce vide coloré, cette ouverture infinie vers l’inconnu, ce domaine à rêver, à oublier, c’était si doux, si apaisant.               
    À travers la vitre, elle le voyait, tranquille, le verre à la main. Il sourit. Il ne la vit pas le regarder. Il semblait si loin du malheur. Si loin des questions, des problèmes, de ce qui ronge. Elle l’envia, détourna la tête.  
    Elle ouvrit la bouche, ouvrit la porte, referma les deux. Elle ne pouvait pas faire ça. Elle lui dirait. Mais plus tard. Demain...

     

     

    « Vie de coupleEt aussi des crayons »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 2 Juillet 2017 à 10:13

    Des petits riens qui en disent long.

      • Dimanche 2 Juillet 2017 à 11:51

        Certes :-)

    2
    Kik
    Dimanche 2 Juillet 2017 à 11:27

    Ah mais qu'est-ce qu'elle a à lui dire de si important sans trouver le moment opportun ? Je suppute une mauvaise nouvelle qui la concerne elle et qui aura forcément des conséquences sur leur vie de couple. Et est-ce que demain elle aura le courage de le faire ? Va-t-elle se jeter à l'eau et lui parler ?

      • Dimanche 2 Juillet 2017 à 11:52

        C'est une fiction. Juste une fiction. Et les interprétations sont ouvertes.

    3
    Dimanche 2 Juillet 2017 à 11:38

    j'espère que c'est un texte de fiction...

      • Dimanche 2 Juillet 2017 à 12:03

        Je me doutais bien qu'il y aurait des réactions. Et c'est à dessein que j'ai écrit ce texte de fiction ainsi : dans un blog, et en incorporant des éléments du réel. Parce que c'est l'essence même de la littérature auto-fictionnelle (?). Là ce ne sont que quelques lignes sans conséquence -quoique-, mais dans une œuvre véritable on demande souvent ou toujours à l'auteur(e) ce qui est vrai et ce qui est inventé : les deux mon capitaine ; ce qui est vrai dans la forme ne l'est pas, enfin pas forcément dans le fond, souvent les éléments sont décalés/grimés/déconstruits/partiels/réinventés que sais-je. La vérité vraie, pour ce texte-, c'est que le crépuscule, la photo prise, m'ont donné envie d'exprimer des mots, dont certains me sont venus, plutôt mélancoliques, pas tristes, mélancoliques. Et qui me sont restés en tête. Et plus tard, quand j'ai écrit pour de bon, d'autres problèmes, complètement autres, m'étaient en tête que celui qu'on peut supposer ici : une maladie, une rupture. J'ai donc transposé ; transféré ? Voilà. Mais vos réactions à Nicole et toi en disent long je trouve. Merci à vous et bises.

    4
    Dimanche 2 Juillet 2017 à 12:09

    ...les visiteurs sont toujours un peu des "voyeurs"... 

    J'aime ton texte, et j'aime ta photo, c'est l'essentiel...

      • Dimanche 2 Juillet 2017 à 12:23

        Certes ! :-) 
        Merci Eva !

    5
    Dimanche 2 Juillet 2017 à 16:38

    Demain ? Pas sûr ... î

      • Dimanche 2 Juillet 2017 à 18:13

        :-) ... non, pas sûr du tout...

    6
    Dimanche 2 Juillet 2017 à 20:32

    Envie de commenter ton texte (bien écrit) par quelques citations et des paroles de chanson...


    La vérité est toujours plus surprenante que la fiction, parce que la fiction doit coller à ce qui est possible, alors que la vérité, elle, n’y est pas obligée.
    (Mark Twain)

    Je partirai à l’heure/Où blêmit ma compagne/En larmes on s’appelle/Pourvu qu’on dessale/A l’eau mon amante tu ondules/Tu souris jaune, ma souris blanche/J’ai vu qu’il t’a plu des ions des yeux/Voilà que la science dépasse l’affliction.
    (Kat Onoma)
    https://www.youtube.com/watch?v=VE9uuPmWyao

    Le réel possède un avantage considérable sur la fiction, c’est d’être unique.
    (Raymond Depardon)

      • Lundi 3 Juillet 2017 à 00:39

        Merci pour tes intéressantes réactions, B-B.
        Si Twain me laisse perplexe, Depardon m'interpelle.
        Quant à Kat Onoma et cette chanson que j'aime depuis longtemps, il m'enchante.
        À bientôt.

    7
    Lundi 3 Juillet 2017 à 09:52

    Un texte empreint de doutes et de tristesse. Comme une interrogation à laquelle on ne veut pas apporter de réponse. Un moment particulier auquel la photo (prise de la terrasse) renforce l'impression de séparation, d'éloignement, d'incompréhension à cause du temps qui passe, de non-dit, de micro-événements contrariants dont on ne parle jamais et qui font s'accumuler les nuages dans la relation. Un très beau texte qui exprime une nostalgie de ce qui a été et n'est plus. Un résumé de ce que peut être une relation qui s'étiole au fil du temps. Je ne sais pas ce qui te l'a inspiré, mais c'est une réussite où se mêlent la fuite du temps, les rêves brisés, les aspirations trop longtemps assoupies ou négligées. Bravo.

      • Lundi 3 Juillet 2017 à 11:53

        Tout ça ?! Merci beaucoup pour les compliments.
        Mon inspiration pour ce texte ? Je m'en explique, succinctement il est vrai, à Eva. Mais connaît-on vraiment l'origine intime de ce qu'on écrit ? Moi pas. 

    8
    Lundi 3 Juillet 2017 à 09:55

    Heu, alors que je fréquente ton site régulièrement, le captcha vient de m'enjoindre de me faire reconnaître au titre de ce que je serais suspect. Aïe ! Je veux poster et voilà que ça recommence. ZUtT!

      • Lundi 3 Juillet 2017 à 11:50

        Je ne comprends pas et suis désolée de ce désagrément qui, je l'espère, n'est que ponctuel (et qu'on ne m'a jamais signalé jusqu'à présent !)

    9
    Mercredi 5 Juillet 2017 à 21:06

    Ma curiosité aurait peut-être souhaité quelques lignes supplémentaires à ta plume, ou bien des pages et pourquoi pas un livre?

    Dans ta bibliothèque, il y a peut-être au moins un bouquin qui s'est fait une place "pour plus tard" dans la mienne :)

      • Jeudi 6 Juillet 2017 à 09:18

        :-) Merci♥.

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