• Quitter peu à peu ce monde

    De la mort

    Je ne sais pas si c'est un sujet dont il faut parler ou pas ... ici, je veux dire, mais tant pis, me lire n'est pas obligatoire, on peut toujours passer son chemin, trouver cette "chronique" -car c'est bien du temps, chronos, ici, qu'il s'agit, "c'est tout"- déplacée, inconvenante, ou simplement trop triste ... mais pourquoi ne pas parler de choses tristes dans un blog.
    Faut-il dire comme le cœur et le regard se sentent épais et infiniment compatissants quand, en ouvrant une porte d'hosto, on croit s'être trompé de chambre et que non, c'est bien notre collègue sur ce lit, avec juste trente ans de plus sur le visage qui n'est plus qu'un masque ? Faut-il réfléchir sur la compassion, au sens étymologique,  souffrir avec, même si cette douleur pour nous, "spectateurs", est "moindre",  plus abstraite, autre en tout cas, mais bien présente. Faut-il évoquer les mots injustice, incompréhension, hasard, impuissance?
    En quelle proportion pense-t-on à notre mort quand on sent si proche la mort de l'autre, qu'on a côtoyée depuis si longtemps, qu'on connaît depuis tant de temps ? Vaut-il mieux balayer l'idée de notre mort, elle viendra quand elle viendra et basta je ne veux rien savoir, ou s'habituer, sans être morbide, à son ombre quelque part, toujours présente, pour s'habituer à l'idée ; mais apprivoise-t-on jamais cette idée-là ?
    Que se passe-t-il dans sa tête, shootée à la morphine, la parole devenue absente, mais le regard encore si vivant, si profond, si ?désespéré ?interrogateur ?partageur, quand elle nous regarde quelques secondes, si fort !

    Dans cette chambre claire mais austère, lumineuse mais silencieuse, j'aurais aimé pour toi, Anne-Marie, de belles images sur les murs, et un peu de musique douce pour bercer ton sommeil intermittent : je te les offre aujourd'hui, à toi qui pars doucement, là-bas, je pense à toi si souvent, avec tendresse et douceur, et avec cette double image de toi, endormie et comme pensive, et de ta fille qui te caresse sans cesse la tête avec une tristesse et un amour infinis.

     

    Quitter peu à peu ce monde

    Quitter peu à peu ce monde

     

    (Bashung, Madame rêve)

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Septembre 2015 à 16:23
    Gilsoub

    Il n'y a pas de sujets tabous, la mort pas plus qu'un autre ; la mort fait ni plus ni moins partis de la vie.

    D'ailleurs, j'en ai parlé dans un billet il y a peu...

    Chez nous, on en a toujours parlé librement et sans crainte ni périphrase...

    Ton texte est émouvant et me rappelle mon père sur son lit d'hôpital la dernière semaine de sa vie...

    Je n'ai pas peur de mourrir, j'ai peur de voir les autres s'en aller...

    Pensées pour toi et ton amie...

    2
    Vendredi 11 Septembre 2015 à 19:16

    Un sujet qui fait peur mais auquel nous n'échapperons pas, c'est à mon avis la chose la plus juste sur cette terre tous riches ou pauvres sommes mortels…et la vie et la mort sont étroitement liées


    Ton article est MAGNIFIQUE tant par les images que les mots


    MERCI

    3
    Samedi 12 Septembre 2015 à 09:33

    Très belle chanson de Bashung. Le masque dont tu parles on croit parofis l'avoir vu mais lorsqu'il est vraiment là on le reconnait. On souahite osuvent comme long voyage un départ en mer. C'était la manière dont Nath dans la série "Six Feet Under" quittait ce bas monde à la toute fin. Partant faire du surf avec son frère. Sauf qu'il était le seul à partir.

     

    4
    Samedi 12 Septembre 2015 à 09:57

    Que se passe-t-il dans sa tête, shootée à la morphine, la parole devenue absente, mais le regard encore si vivant, si profond, si ?désespéré ?interrogateur ?partageur, quand elle nous regarde quelques secondes, si fort !

    voilà, tu as dit l'essentiel... J'ai eu cette expérience une seule fois, de visiter une personne que je connaissais bien (mais de qui je n'étais pas assez proche pour établir un contact physique) et j'ai été frappée, bouleversée, par ce regard encore si vivant, si profond, si désespéré de ne plus pouvoir s'exprimer par la parole... J'ai été si bouleversée que je me suis perdue dans l'hôpital (pourtant très petit). La personne est "partie" le lendemain... Je savais, quand j'ai communié avec ce regard-là que c'était quelqu'un qui était déjà de l'autre côté, et que je ne pouvais rien faire pour le retenir... C'est terrible... 

    Ma mort ne me fait pas peur. Je n'ai pas peur de n'être plus rien (quel repos, quel tranquillité !...) mais le départ de ceux que j'aime me terrorise...

    5
    Samedi 12 Septembre 2015 à 16:59

    Ton texte est tellement "humain" Nikole… Oui, je pense souvent à la mort et il n'y a que deux choses, pour ce qui me regarde personnellement, qui m'inquiètent, et me font peur: la douleur physique et la mort en solitude… quand je pense à ma mort, j'imagine qu'il y aura quelqu'un qui me tiendra par la main, tout simplement, et cela me réconforte un peu…

    Je suis d'accord avec Eva, c'est le départ des personnes que j'aime qui me fait plus peur… j'ai vécu malheureusement ce genre de douleur et cela m'a dévasté… un très cher ami de 40 ans qui a laissé une fille de 15 ans que j'adore… et une cousine que j'aimais profondément qui est partie à 45 ans… et cela m'a marqué de façon indélébile… Voilà, l'argument est tellement complexe que je préfère m'arrêter à ces quelques mots… J'ajoute "en passant" que dans certains cas, je suis favorable à l'euthanasie, mais là tout est tellement compliqué et tabou….

    Et j'ajoute encore "en passant" que je suis fortement convaincu que la donation des organes en cas de mort accidentelle devrait être "une routine", quand cela est possible… rendre noble la propre mort pour donner la vie à quelqu'un d'autre…

    Tu vois, ton billet à propos de la mort invite à un tas de réflexions… et de temps en temps cela fait du bien de réfléchir sur ce thème….  

    Ton texte que j'apprécie énormément, est fort, courageux, et délicat… merci nikole, baci, Francesco. 

         

    6
    Samedi 12 Septembre 2015 à 18:52

    Une épreuve que tu décris très bien, des moments terriblement difficiles pour tous. Il faut imprimer tes photos et lui apporter. Moi j'aimerais qu'on m'apporte des photos et des fleurs. Mais dans les hôpitaux on n'a plus droit aux fleurs...  :(

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    7
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 11:19

    c'est très poignant, tu as raison d'écrire si tu en as besoin. on me l'a reproché sur mon blog précédent de parler de la mort. mais j'étais tellement dedans que parfois j'avais envie de la dire.

    la mort, l'injuste l'infâme qui ne nous laisse pas le choix qui prend ceux que l'on aime quand on ne s'y attend pas.

    c'était un jour ordinaire avec mon homme, on s'était levés pour aller traîner dans une brocante puis l'après midi nous avions faits l'amour et ensuite nous étions allés promener le chien en forêt. Il est parti le soir, il avait à faire sur Paris. A la portière de sa voiture, il m'a dit : " tu sais mon amour c'est juste 3 petits jours et je reviens ".. je me souviens de son sourire, de cet instant, ce furent pour nous les derniers. Il s'est étouffé en mangeant le soir même , s'en sont suivies 4 semaines d'un coma profond sans reprise de connaissance. Il avait 56 ans , il aimait tant la vie. Pendant son coma, je n'ai pu que lui tenir la main, lui caresser la main. Les mots ne servaient plus à rien...

    c'était une fin d'octobre.

    la mort est une infâme quand elle prend avant l'heure.

    je te comprends, je comprends la fille de cette dame, je la ressens dans sa peine,

    je suis à nouveau aussi face à ce problème en tant que fille trop dedans pour en parler, c'est mon quotidien. je me réfugie dans l'instant, je crois que la mort de mon ami et son injustice m'ont appris que je n'avais pas le droit de perdre l'instant.

    je ne pense pas à ma propre mort, je crois que je m'en fiche, mais cela est très personnel, je pense simplement à la douleur qu'auront mes filles et mes 2 petits enfants..

    je crois que comme quand on t'annonce un cancer tu es seul tu dois être seul face à la fin de ta vie inéluctable. nul ne peut comprendre vraiment l'autre dans cet instant.

    je suis athée, je ne sais pas si la religion aide.

    je pense très fort à toi aux proches de cette femme à cette femme à ceux qui sont face à leur départ

     Françoise

     

    8
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 12:40

    L'essentiel caresse... (De la main. Du regard. Et peut-être aussi de l'écriture...)

    9
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 13:10

    Anne-Marie est morte cette nuit. J'ai le coeur serré ; plein de pensées m'assaillent, et beaucoup de souvenirs.

    MERCI à vous qui avez parlé ici de votre mort et de celle des autres : ce sont des paroles fortes, profondes, pleines de sens et d'intelligence et elles me touchent beaucoup. Merci encore.

    10
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 13:55
    Loqman

    Un texte plein de sensibilité et de retenue.   

    11
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 14:36

    Merci d'être passé ici Loqman.

    12
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 16:02

    je suis profondément navrée

    13
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 16:10

    Merci. Le point "positif" c'est qu'elle est tombée dans le coma avant, sans s'apercevoir de rien, apparemment dans son sommeil.

    14
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 22:11

    Je suis désolée pour ton amie... La mort aussi injuste soit elle fait hélas partie de la vie, dès notre naissance, le compte à rebours est lancé... 

    J'ai trop peur de la mort de mes proches pour craindre la mienne. Un jour,il y a longtemps la mort m'a frappée de prés en me privant de mon ami. Il ne m'a jamais quitté. 

    En ce moment, je replonge dans l'univers de Malzieu. Cette après midi, j'ai entamé "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sans toi". 

    "J'enfouis mon ombre de géant dans le trou de mon cœur, sorte de machine à laver avec du sang à la place de l'eau et de la peau à la place du linge. Temps de séchage: une vie entière".

    On ne s'en remet pas, on survit avec.

    Purée c'est pas gai... Alors je te fais un petit sourire plein de vie. 

    Courage... 

    15
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 22:14

    Oups rectification du titre, c'est "maintenant qu'il fait tout le temps nuit SUR toi". Heureusement que je me suis relue...trop tard. Mais bon c'est bien connu, mieux vaut tard que jamais! ;)

    16
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 22:29

    Merci beaucoup lylouan, de ton passage, tes mots, et ton sourire ...

    17
    Alice Félé
    Lundi 14 Septembre 2015 à 10:25

    Malheureusement je partage ta peine...Rassurée d'apprendre qu'elle était dans le coma (je n'avais pas eu l'info...et ça fait du bien de le savoir !)

    Quand on naît on n'a pas conscience de l'issue...mais on l'apprend bien vite car elle est la même pour tous. On la souhaite la plus tard possible, mais on n'a aucun pouvoir dessus : un jour ça tombe. Et quand il s'agit d'un proche ça fait mal...Moi qui porte la vie en ce moment, je n'ose imaginer que mes enfants ne seront plus de ce monde un jour...et pourtant... D'imaginer Aurore caressant le visage de sa mère avec amour et tristesse, je m'imagine moi un jour devant affronter ça avec ma propre mère ou pire encore (oui je crois bien que c'est pire !) imaginer mon fils et ma fille affrontant ça...La maladie n'est pas humaine...

    Merci pour ces photos apaisantes et bon courage ! Les Félé t'embrassent fort

    18
    Lundi 14 Septembre 2015 à 16:10

    Merci pour ton, tes messages, Alice. Bises à vous quatre.

    19
    Lundi 14 Septembre 2015 à 17:26

    Nous étions néant et nous redevenons néant. La mort n'est rien. Mais que mourir est difficile !

    20
    Lundi 14 Septembre 2015 à 17:33

    C'est exactement ça.

    21
    Lundi 14 Septembre 2015 à 23:45

    Nikole,

    Quelques citations pour se moquer de la mort :

       _Einstein est mort, Marx est mort, Oppenheimer est mort et moi, je ne me sent pas très bien...

       _La mort est un manque de savoir vivre...

    Et puis le jour de cette épouvantable question...et ma réponse qui me réveille souvent : "je souhaite qu'il s'en aille le plus confortablement possible".

     

     

    22
    Mardi 15 Septembre 2015 à 00:13

    Merci beaucoup photoem !

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