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Vertiges de l'amour
A
Ailleurs et pourtant là
je marche seule sans toi,
aucun son, aucune âme,
la ville est si absente,
la mort si près de tout,
et puis la vie aussi,
je t’attends je t’attends,
lisse, isolée, debout.
BUn détail de tes baisers, que j’aime,
cette petite bulle irisée,
d’amour, de fièvre,
qui meurt
sur ma lèvre.C
Couleur café, ta peau bronzée,
couleur rosée, tes ongles, nacrés,
couleur orange, tes cheveux d’ange
couleur matin, ton regard dans le mienD
Je crois en un seul dieu, celui des amants fous,
celui qui nous déchire et puis qui nous rassemble,
la puissance qui fait que nos corps se ressemblent,
abîmés, reconquis, pâles entre chienne et loup.E
Depuis si longtemps je te regardais dormir
et les mots restaient dans ma bouche.
Alors je suis allée chercher
mes étiquettes d’écolier
et partout je les ai collées
sur ton front, tes mains, ton ventre
sur tes bras et sur tes pieds
tous ainsi libellés :
mon ange, mon amour, je t’aime (écrit en pleins et en déliés), tu me fais chavirer, encore, demain, fais-moi rire, fais-moi crier, je t’offrirai des fleurs jusqu’à ton dernier jour (écrit en tout petit, pour pouvoir tout caser), tu es mon homme aimé, fais-moi les aubes ensoleillées…
À la fin tu étais emballé comme un papier cadeau,
et je me suis mise à rire à gorge déployée…
ça t’a réveillé…F
Tu marches sur un fil,
prends bien garde à ne pas
tous deux nous faire tomber...
il faudra bien un jour
ma fieffée funambule
mettre un terme à ta fuite
et dans un face-à-face
me raconter tes frasques...
GGrotte, gorge glacée, lac étale, pur, profond, conquérant…
Nous sommes devenus graves, mon amant…H
Elle était fort déshabillée, comme dirait l’autre, Arthur,
et moi je regardais son habit de lumière
offert par la clarté
dans la fenêtre ouverte,
sa tête de vieille madone
ensoleillée dans le sommeil,
inerte et habitée d’un sourire.
Je regardais son corps épais tranquille et nu
habillé magnifié
par l’amour que j’ai d’elle.I
(Intimer...)
Ton regard sur ma peau a brisé l'invisible.
JLe marquis, de Ninon souleva les trois jupes :
la modeste, discrète et protégeant une autre,
la friponne ou fripon,
jupon qu’on relevait, en attaches badines,
pour malicieusement faire découvrir,
plus lointain, bien en dessous,
la secrète, contre peau,
portée sur cuisse fine,
au tissu doux, si doux.K
K.O. sur le plumard
je sommeille et je broie du noir
ton œil me jauge et tu te barres.
LLes lèvres labourées de larmes noires de khôl
essuyées bien trop vague alors regard de folle
je te regarde fuir mon corps et mon amour
je te regarde me regarder au petit jour
je regarde tes lèvres qui parlent en silence
je n’entends qu’un bourdonnement,
musique triste, petite danse de violence
dans ma tête qui lance, et qui lance, et qui lance…M
Tu m’as mis une muselière,
si tu chantes ailleurs je te tue.
Alors je tiens la même note, nue,
Et je plie, mais c’est pour te plaire.
NMa navicule bleue, mon huître des fontaines,
j’aime ton odeur d’iode et tes yeux fatigués,
tout comme ceux d’une sirène.
OOnction extrême,
je vais bientôt mourir et j’entends psalmodier
tes mots comme des larmes qui tombent sur l’oreiller :
mon petit bisounet
ma carpe, mon accord,
mon panier à baisers, à regrets, à remords,
mon corps d’animal doux,
mon amour d’herbe folle,
mon tiroir à courroux,
ma petite baby doll…
PParadoxes :
on fait des choses contre l’autre,
on fait des choses contre soi,
des rêves tout à la fois
d’amour, de pardon, d’orgueil, des fautes
qui peinent à garder la foi
en l’âme humaine, en toi, en moi.
QQuand je ne suis pas là,
ma souris danse sans moi,
mais je ne sais pas trop quoi,
la bourrée ou le ska ?
la valse ou le tango ?
le jerk ou bien le slow ?
la java, le mambo, le letkiss, le paso ?
il y a tant de pas qui peuvent faire tomber…
je vais lui mettre une danse, ça ne va pas traîner…
RRedis-moi que tu m’aimes et que même abîmé
notre amour tout poli par le temps et les jours
a encore des reliefs où brille la lumière
même si ce n’est plus la flamboyance première
même si ce n’est plus vraiment le même amour
S(Surdités)
Lui : Mais enfin, qu’est-ce que je t’ai fait
mon amour fou, ma colombine
ange malin,
joie qui m’emplit, et puis me vide,
de mes chagrins, de mes déboires,
source à laquelle je vais boire,
femme qui reposes tant mes soirs,
et mes matins, et tous les noirs
blanchis par ta main qui, livide,
éclaircit tout et tout répare.
Moi je suis là, tout à côté,
Assis, debout ou allongé,
qui tiens ta main, te prends la tête
contre mon cou, et qui caresse doucement
tes bras, tes joues, ton front, tes tresses.
Pourquoi tu me fais ça, dis-moi ?
Quand tu me laisses, j’ai peur, j’ai froid,
mon corps bascule, profond effroi !
Hein, dis-moi ! pourquoi, mais pourquoi ?
Elle : C’est qu’il avait envie de moi …T
Temporiser, tranquilles, ne plus croiser le fer, tacite, et laisser faire le temps. Les vieux démons, tapis, s’endorment doucement. Table torchonnée le passé, le doute n’est plus un tyran. Arrive même un jour où la tête est calmée et les tempes fraîchies.
UUbu
de par sa chandelle verte
avait peu d’aise avec les femmes.
Merdre alors !
Chaque fois pareil
elles le mouchaient !
Adieu Berthe !V
Viens, viens vivre avec moi ... dans la douceur sans voix des silences nocturnes, quand tu dormiras, je veillerai, et volerai vers toi des millions de volutes, véloces, veloutées, comme un viol de tes rêves, une emprise vitale, pour que tu m’aimes encore, ad vitam aeternam, envers et contre toi. Toujours je serai là.
WElle pleure elle pleure
waterfalls waterfalls
sur la moquette du salon
et encore plus s’y rappelant
l’ultime étreinte avec Walter
pendant que, froide, dehors
la pluie tombait tombait
interminablement
XNon que de Mallarmé je veuille faire le remix
mais tes ongles sont hauts, j’aspire à leur onyx,
ma reine, ma succube, ma lune, ma terre, ma nixe,
pour graver sur ma peau et mon œil qui te fixe
une extase acérée, noire, jusqu’à l’hélix.Y
Y revenir un jour, est-ce que je le pourrai, le reste de mon âge ? Le sable était mouillé, maintenant il est sec. Ce n’est plus le désir qui l’irrigue, ou bien par ci par là, en de ronds galets blancs pour bien marquer les jours, pour annoter les pages. Le sable était mouillé, maintenant il est sec. Mais ça reste la plage.
ZZou ! Cette fois je pars ! Zestes d’ennui, vagues regrets, allez savoir ! J’ai tant envie de solitude, de mots gardés, seule dans le noir, silence plane, sur une plage, sans paroles, sans regards, juste un cahier et un crayon, les yeux sur l’horizon, incertain mais présent. Zou je pars loin, loin de la course au temps qui passe, loin des autres et de leurs contraintes, sans compte à rendre, sans rêves qui tapent la tête au réveil de tous les fantômes croisés, et des peurs, éparses, dans le jour blafard. Avec juste mes mots, portes de rêves, en blanc et noir.
Photos © l'oeil du Krop ; texte © la plume du Krop
Tags : Nicole Cholewka Vertiges de l'amour
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Commentaires
Merci pour cet alphabet de l'amour.... de la vie... des mots qui nous parlent.... on s'y retrouve un peu dans certaines lettres plus que dans d'autres... des "Fuis moi...je te suis" au "Suis moi...je te fuis"....des premiers instants magiques à une fin d'histoire nostalgique, parfois tragique....la vie, l'amour ne sont pas un long fleuve tranquille et c'est tant mieux sinon nos jours seraient trop monotones !
Merci pour ces mots qui pansent nos maux-souvenirs du temps passé.
Bonne journée Nikole
Bises
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Mardi 28 Février 2023 à 11:37
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Une manière riche et romantique de décliner l'alphabet de l'amour.
Grand merci Florentin.