• Quotidiennes

     

    Quotidiennes

     

        Chez la toubibe, la salle d'attente est pleine. Comme la plupart du temps. C'est quand je n'attends pas, chez elle, que je suis surprise. D'autant que, si elle fait pour les autres comme pour moi, me glisser entre deux, parce qu'elle sent mon anxiété à chaque nouveau problème, les journées doivent être longues, et pour elle, et pour les patient(e)s obligé(e)s d'être patient(e)s. Mais comme disait un monsieur -je m'enquerrais une des fois précédentes de son heure de rendez-vous-, au moins, nous, on a un médecin ... Soit ! De plus elle est à quelques enjambées de chez moi, suffit de traverser la rue au coin, de quoi me plains-je ? Quand même, attendre longtemps pour des résultats qui ne montrent rien, et qui nécessiteront l'avis d'un spécialiste ! Toujours avoir un bouquin sur soi, fût-il ennuyeux : je m'obstine à continuer de lire Ubik, dont seul le titre me plaît, mais dont la lecture, incompréhensible pour moi et à mille années-lumière de ma planète, c'est le cas de le dire, m'ennuie prodigieusement. N'étaient, exception, les quelques mots inventés, et dont j'aimerais savoir quels ils sont avant leur traduction.

        Bien entendu, à mon aimable mais tonitruant Bonjour messieurs dames, seule une personne répond, la politesse, c'est tellement ringard ! De toute façon, ils sont penchés comme des bêtes de somme vers leur abreuvoir téléphonique, comment existerais-je ?

        Le premier banc est plein, je vais m'asseoir sur le second, plus loin, à l'écart, au moins je serai loin des cris de l'enfant et des onomatopées rugueuses de l'entorchonnée et de sa voisine, qui piapiatent à grands renforts d'éclats vocaux à hauts décibels.

        Le temps est long et j'ai du mal avec ma lecture. Je me lève et fais les cent pas. Lis les affichettes des murs. En corrige les fautes basiques (pas d's au pluriel !). Me rassois.
        Sur le même banc que moi, il y a une femme qui semble exténuée et souffrante. Je ne sais plus si c'est elle ou moi qui entame la conversation (sans doute moi pour lui demander à quelle heure elle est, pardon, était, censée passer ... un quart d'heure avant moi) mais on se met à en avoir une (de conversation, donc !).
       Elle me raconte un peu sa vie, sa tristesse et sa colère vis-à-vis de l'hypocrisie des gens et de la mocheté du monde. J'opine du chef. Comme elle me parle un peu de ses problèmes, de sa fatigue devenue chronique et de ses vertiges intermittents, je me sens en pays de connaissance, et on rit de cette constatation commune qu'on doit passer pour des pochtronnes quand on se rend chez le médecin (ça m'était arrivé il y a cinq ans ... la dernière fois je ne tournais que couchée) en se tenant au mur parce que les cristaux de notre oreille interne merdouillent et que notre équilibre est devenu plus qu'instable.

        Je lui dis qu'il ne faut pas attendre quand ça nous arrive, que des exercices ciblés et du Tanguanil, même si ce n'est pas immédiat (une quinzaine, quand même, pour moi), ça rétablit la chose. Elle sourit l'air complètement éteint. On parle encore. Une heure, au moins, a déjà passé quand la Boulangère (ma toubibe se nomme Boulanger qui nous sort du pétrin -je sais, je la fais chaque fois mais ça m'amuse-) la fait entrer dans son cabinet.

        Y'a eu un schmurk dans les rendez-vous car je ne passe pas après elle. Des gens sont arrivés en retard, elle les a fait un peu poireauter mais les prend quand même avant moi (si j'ai tout compris ... j'espère qu'elle les a engueulés, elle le fait parfois et les met sur liste noire s'ils récidivent, ce que je trouve justifié).

        Ma comparse de discusse est ressortie et remet son manteau tranquillement. Elle me regarde et rigole : "Vous devriez faire médecine. Elle m'a donné du Tanguanil". Je rigole aussi. Elle semble encore tanguer un peu. Je lui demande si elle ne veut pas m'attendre, que je l'aide. Non, elle va prendre le bus, ça va aller. On se souhaite une bonne journée. Gratuitement, elle me dit à bientôt, une formule qui me touche. Les sous-textes-lapsus involontaires gentils.

        Des gens entrent encore à dose régulière mais le premier banc se vide et je m'y assois. Une vieille femme femme de mon âge, non, un peu plus, entre et s'assoit près de moi. Elle se met à regarder son courrier publicitaire, lequel m'intéresse car c'est celui de Linvosges, que j'affectionne ; on papote chiffons, s'entendant sur la qualité, l'intérêt des promos et déclarant en chœur que c'est là que j'achète des torchons. Moi, j'aime beaucoup les beaux torchons et je connais peu de mes proches à qui je n'en aie pas fait cadeau un jour ou l'autre ...
        Son rendez-vous ? Un quart d'heure après l'heure du mien. La dame montre des signes d'inquiétude et me dit qu'elle va devoir aller au café d'à côté, dans ce cas, pour une envie pressante. Je lui apprends qu'il y a des toilettes sur place. Elle ne me croit pas et m'affirme qu'elles ont toujours été fermées. Je m'insurge (façon de parler !) et vais jusqu'à ouvrir la porte pour lui montrer ! (Des fois j'fais d'ces trucs, j'vous jure !). Elle se précipite et revient avec un sourire triomphal et gratifiant en me glissant au creux de l'oreille quelques mots style je pouvais pu me ret'nir. Mais oui, je compatis, je sais ce que c'est !

        La doctoresse (la médecine, pourquoi pas ... non, passons, pas de polémique aujourd'hui sur la féminisation des noms de métiers et ma croisade mon antique croisade d'icelle) ouvre la porte et la fait passer avant moi ! Enfer et putréfaction, qu'est-ce ?

        Enfin ! c'est mon tour, et je demande à la praticienne pourquoi la patiente de 15h15 est passée avant mézigue de 15h. Mais la dame s'était trompée : elle avait rendez-vous à 14h45 ... du coup, même si je condamne cette attitude, je comprends mieux les gens en retard et qui ne s'en formalisent pas. En retard, stricto sensu, elle aura attendu un bon moment !

        Ma Boulangère regarde mes résultats. Qui ne montrent rien de vraiment probant. Je lui apprends que suivant ses conseils de la fois précédente j'ai anticipé un RV chez le spécialiste (qu'elle m'avait conseillé), et que, merci Doctolib alerte !, j'ai réussi à en avoir un le lendemain grâce à un désistement. "Ok, alors je ne vous prescris rien, il verra pour l'ensemble". Elle ajoute : "Il va bien s'occuper de vous". Elle ajoute encore : "Au fait, je vous ai fait un courrier pour lui ?". Gasp ! je ne savais pas qu'il en fallait un ! Voilà qu'à deux mètres du bol de sangria ... Encore un peu et je payais plein pot les honoraires sans doute largement dépassés dont je m'acquitterai à la clinique de Bercy. Voilà, cinq minutes ... allez, dix, ok ... après tout j'ai peu la conscience du temps. Pendant ma consulte, elle reçoit un appel-demande de rendez-vous. "Ah non aujourd'hui c'est full full". Je sens que ça insiste à l'autre bout. "Ok, re-téléphonez à 20h." Je lui dis : "La journée va être longue". Je pense : "Elle a le derrière pas sorti des ronces aujourd'hui !". Pas très diplomate sans doute, je lui avais dit la dernière fois qu'elle semblait très fatiguée pour quelqu'un qui rentrait de vacances, ce à quoi elle m'avait répondu qu'aussitôt qu'elle se retrouvait dans son cabinet, elle croulait sous les demandes, qu'elle ne s'en sortait pas. J'ai pensé : " C'est la fièvre !" J'en profite pour renouveler mon épicerie : doliprane, spasfon, histoire de rentabiliser ma venue ... (tu parles, j'ai dû sortir presque 10 balles pour les boîtes de spasfon, que cette chienne de MGEN ne rembourse pas ou pas complètement, j'ai pas vérifié le détail) ... mais s'il n'y avait que ça dans les dysfonctionnements du genre ...

         En rentrant chez moi, mon prob forcément toujours en attente de résolution  (mais je l'aime bien quand même ma toubibe, et même un peu rude parfois, elle me dépanne, est à l'écoute de mes angoisses justifiées ou non, et me soigne bien en cas de pépin ou d'alerte), je croise les doigts pour que le spécialiste que je vais consulter cet après-midi soit aussi bon qu'elle le dit, et prie les forces occultes d'être débarrassée de mes questions et soucis organiques que je n'espère que ponctuels et sans gravité.

         Et me relisant, là, je me dis que chaque journée a son lot de surprises, voire, de surréalisme ou pas loin, à ce que j'en ressens.

     

    « InterludeéKlats 3/52 »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 19 Janvier à 15:16

    Mon toubib, qui a un nom de légume (le même que la précédente partie dans le sud-ouest) - à nous deux y a presque de quoi préparer une soupe... , ne me fait presque jamais poireauter, du coup je n'ai pas de quoi écrire un article sur mon blog :-)) (8000 caractères tout de même ici...)
    J'espère que le spécialiste ne te fera pas attendre des plombes (sinon tu en feras un nouvel article) et trouvera une réponse efficace à ton problème.

    Bonne journée.
    Bises.

      • Vendredi 19 Janvier à 19:43

        J'ai moins attendu chez le spécialiste que chez la généraliste.
        Je sais parfois j'écris beaucoup, peut-être trop.
        Le problème n'est pas résolu ... Affaire à suivre ... examen à venir.
        Bises.

    2
    AniLouve
    Vendredi 19 Janvier à 18:29

    Mon praticien a un nom qui évoque les prunes. On a le choix entre les jours sans rendez-vous (très longue attente) et les jours avec rendez-vous (longue attente) mais on a un docteur alors on ne se plaint pas.

      • Vendredi 19 Janvier à 19:43

        Avoir un toubib, c'est bien ; ne pas être malade, c'est encore bien mieux !
        Merci.

    3
    Samedi 20 Janvier à 09:38

    BonJour Nikole,

    J'évoque à ma Dame ta chronique du jour, Le spasfon n'est pas remboursé depuis toujours me dit-elle. Ah bon !

    J'ai rarement attendu très très longtemps chez ma doc, ma chicotte ou mon urologue (profession trop récentes pour qu'un synonyme argotique me vienne à l'idée), cependant j'emporte toujours le même bouquin au cas où : Pinocchio en version italo/française, page gauche en italien, page droite en français. Par conséquent, je n'améliore pas beaucoup mes progrès dans la langue de Collodi.

    Je te souhaite la bonne solution pour résoudre ton prob de santé.

     

     

      • Samedi 20 Janvier à 10:08

        Bonjour Pierre.
        Merci à toi pour ce commentaire et ses remarques.
        Investigations supplémentaires à prévoir, donc mal barré dans mon esprit, mais je me refuse à désespérer (pour l'instant).

    4
    Samedi 20 Janvier à 10:43

    Il    n' y   a    pas   longtemps   qu' un   cabinet    s'  est    ouvert,   et    il  n'    a   pas   fallu    longtemps   pour que   la    clientèle    se   fasse,    au    moins    une    semaine    pour    avoir     un   rendez    vous !

     Ma    doctoresse    est    roumaine,   Bogdan,    et    ses   progrès    en   français   rassurent !

    Ma    pneumologue   est    aussi    roumaine,   et   mon  cardiologue   franco-algérien !

    Et    la   gynéco    de   mon   épouse    des   îles !

    J'    emmène    toujours    mes   mots   fléchés   y    compris   chez   ma    dentiste,    et    je    suis    content   quand    il  n'y    a   pas    de   mouflets   infernaux ,   ou     une   bâchée   qui  a    des   odeurs    comme    disait   Chirac

     Bonne     fin    de    semaine

     Amitié

      • Samedi 20 Janvier à 10:57

        Merci.
        Amitié.

    5
    Samedi 20 Janvier à 12:08
    zalandeau

    Serais-tu supercondriaque, des fois ???

    Il me semble...

    Enfin, c'est ton droit...

    Très bonne journée

      • Samedi 20 Janvier à 13:26

        Je préférerais.
        Mais non, là, c'est préoccupant.
        Bonne journée à toi.

    6
    Samedi 20 Janvier à 17:18
    daniel

    La vie est une aventure. Il faut être près à tout et accepter ce qui vient avec flegme!

      • Samedi 20 Janvier à 20:35

        Le flegme n'est hélas pas mon fort, en l'occurrence.

      • Mardi 23 Janvier à 12:05
        daniel

        ça se travaille !! Juste prendre un peu de recul!

      • Mardi 23 Janvier à 13:41

        Je vais essayer, merci.

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