• AVEC LA TÊTE (16)

    Encart*

     

    Je ne sais plus où j'ai lu ça. Chistian Gailly est mort. Du coup, j'ai ressorti les deux bouquins que j'ai de lui, Un soir au club, et L'air.
    Je les ai feuilletés rapidement. J'ai vite laissé tombé le deuxième, et je me suis rappelée qu'il ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable.
    En revanche, j'avais encore en tête l'ambiance que m'avait laissé Un soir au club : j'avais adoré.
    L'homme est mort à soixante-dix ans. Infection pulmonaire.

    "Le piano n'était pas le violon d'Ingres de Simon Nardis. C'était bien plus qu'un violon d'Ingres. Il cessa de jouer comme Ingres aurait pu cesser de peindre. C'eût été dommage, dans le cas d'Ingres. Ce fut dommage dans le cas de Simon Nardis.
    Après sa désertion, il reprit son ancien métier. Le prétexte était de se nourrir. Se loger, se blanchir. Au sens de blanchiment. Il s'agissait surtout de bien se tenir. Simon Nardis était pianiste de jazz. Oublié, perdu de vue, rayé du monde, on le retrouve ici, aujourd'hui, à la veille d'un week-end prolongé."

    Les lignes qui précèdent sont le début du livre évoqué. Comme chez Toussaint, avec qui je vois une filiation (ils sont d'ailleurs tous deux chez Minuit), la phrase est courte, efficace, nerveuse (quand elle est longue, elle est hachée -respiration courte des virgules-), sans fioritures d'adjectifs ou de périphrases. Et ce style, minimaliste, au cordeau, parvient à servir quand même le rythme flou du désenchantement, et même  un certain humour -pincé, ou de dérision- qui n'est jamais bien loin.

     
     

     AVEC LA TÊTE (14)

     Quand les écrivains


    disparaissent, ne restent


    plus d'eux que leurs mots


    dans des tombes de papiers,

     

    des mots qui dansent, et


    qui vivent, et qui virevoltent,


    et virevoltent encore ...

     

     

                            © L'oeil du Krop

     

    *littéraire (hommage)

     

    Et encore :

    "La balade en bagnole fut trop brève. C'est vrai, c'est agréable de se laisser conduire comme ça par une femme qu'on aime, même si on n'en veut pas, le crâne dans du coton, les yeux pleins de sel, le sel des larmes du sommeil quand on bâille, des larmes pleines de buée, de reflets, de lueurs, des lumières qui surveillent le vide, éclairent le calme, le désert des rues, pas une seule voiture à part celle-ci qui nous promène, engourdi bien calé : Moi je ne bouge plus d'ici, pensa le crâne de Simon."

    Ainsi que ça m'arrive parfois -trop peu souvent, on devrait chanter ses enthousiasmes- quand je suis en joie à la suite d'une découverte, j'avais écrit à l'auteur. Même si je ne me rappelle pas un traître mot de ma missive. Il ne m'avait pas répondu et j'avais trouvé ça dysgrâcieux. Mais je crois me souvenir qu'à cette époque j'ai eu la courte habitude ridicule d'écrire aux gens avec des stylos pailletés : si ça se trouve, je l'ai fait cette fois-là et il a trouvé que cette superficialité n'était pas de mise, allez savoir. Mais peut-être ne va t'il pas de soi qu'une lettre appelle une réponse.

    Ajouter que, titre oblige, le jazz est, au fil des pages ou entre les lignes, omniprésent, et le sens de la vie, et les bornes qui la ponctuent.

     

     

    Miles Davis, Milestone

     

    " Sur un tempo assez rapide ils étaient en train de carburer sur Milestone. Simon pensa sur ce thème-là on ne peut pas s'en empêcher. Il se rappela comment lui-même carburait sur ce thème. [...] Buvant son verre Simon pensa : Les jeunes musiciens jouent de mieux en mieux et de plus en plus tôt. Du coup, de l'avoir pensé, il se sentit de nouveau le moral à zéro. "

    Ce sera tout, je ne voudrais point déflorer -davantage- le fil d'une histoire que je vous aurai peut-être donné envie de lire. Si c'est le cas, donnez-moi votre avis ; merci.

    Terminer, enfin, sur l'exergue du livre :

    Des regrets, moi ?
    Non, dit-il.

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 25 Octobre 2013 à 23:32

    Ce morceau de jazz est en parfaite harmonie avec ce style que tu décris si bien. Envie de lire ? Peut-ëtre.  Mais quelle force de ne pas avoir de regret.

    2
    Samedi 26 Octobre 2013 à 11:01

    Merci pour ce com'.
    Oui ... ne pas avoir de regrets ... je n'ai encore rencontré personne qui fût dans ce cas.
    Bon week-end.

    3
    Dimanche 27 Octobre 2013 à 05:20

    Quand il y a écriture, il y a survivance. C'est une façon de vaincre la mort.


    Excellente pièce de Miles, il va de soi.

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    4
    Dimanche 27 Octobre 2013 à 20:18

    Merci.
    Oui, je suis d'accord avec toi. Bien sûr.

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