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      On prend vite de mauvaises habitudes. Une laaarge semaine est passée et je vous ai laissé(e)s sur le chemin à la fois obscurci et rougeoyant de la grande ville aux fourmis blanches travailleuses. Et pourtant ... pourtant j'ai chaque jour des idées, des visions dans la tête et dans l'œil, que je voudrais partager avec vous, comme une conversation ininterrompue, un film, une image, des rires, des anecdotes, des doutes (trop souvent), des petits plaisirs, des enthousiasmes (pas assez souvent) des faits, divers, ceci ou cela ... des bouts de vie quoi ! Des chroniques en somme, mais qui restent trop longtemps silencieuses, internes, dépassées, en rade. Allez, haut les cœurs ! après quelques messages gentils s'étonnant du livre toujours ouvert à la même page, je m'en reviens vers vous, assaillie d'images et de mots, mais ne sachant qu'en faire ... vous savez, comme quand on sait qu'on sera bien dans la mer mais qu'avant il faut bien y supporter le froid naissant, avant la chaleur qui s'y installe. Efforts ... gratifiants. Par quoi, vous, êtes-vous mangé(e)s dans votre quotidien ? Ce n'est pas la première fois que tout doit se faire en même temps, mais j'étais moins paresseuse alors, peut-être, moins lente ... moins ... quoi ? vieille ? Sans doute : on a beau avoir de l'énergie, le grammage en est différent. L'âge, le temps : j'ai souri à la farce choupinette que m'ont faite des collègues fêtant avec décalage -décidément, tout est décalage et distendu :-)- la fleur encore supplémentaire sur mon gros bouquet de multiples printemps en me rajeunissant de plus de la moitié de mon âge ! C'était drôle ! Champagne et gâteaux en agréable compagnie ; plaisir ! Privilège d'être dans un lieu de travail auprès de gens qu'on aime bien, et avec qui on vit quelque chose.

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     Certes, du coup, la vie est rituelle. Dodo, métro, boulot, quand je vais jusque là-bas, et que je continue de croiser -et de photographier- mes passante(e) métropolitain(e)s endormi(e)s ou non, et à tomber sur d'autres bouts de vie que la mienne, les téléphoneux, les lecteurs, les amoureux, les rêveurs, les pensifs, les malheureux... Un musicien des quais qui me fait me retourner et me statufier : mélancolie lancinante. Je croise des regards, des regards me croisent. Quelquefois. Tous les gens ne sont pas ailleurs, parfois ils sont vraiment en face de vous et c'est curieux car ce n'est pas si habituel. Dans le métro aussi des sourires peuvent s'échanger. J'observe, quand les rames sont pleines, j'observe et j'écoute, en essayant de n'avoir l'air de rien ; discretos.

     

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    Euh, j'observe, enfin plus ou moins ... il y a ce foutu texte pour notre pièce de théâtre début juin et ses multiples interventions bouts de ficelle au milieu des dialogues et de la gestuelle, alors je suis obsédée par ça et même l'appareil à la main, j'en oublie parfois de prendre des photos autour :-)
    Finalement, mes sentiments sont assez mélangés, au fil de l'humeur, des ennuis, du corps, de la résistance : je suis souvent en rogne contre les robotisés des ondes mais ma colère envers le monde, la difficulté émotionnelle la plus grande que je ressens dans ces souterrains, c'est, comme des bêtes abandonnées, la survie que peuvent vivre certaines personnes, dehors bien sûr, mais dans le métro surtout, en ce qui me concerne. L'autre jour, pour la première fois, je me suis mise à pleurer toute seule dans un coin, en oubliant presque mon train. Le sentiment de désarroi et d'impuissance m'avaient alors chamboulée, tombant sur moi comme un seau d'eau froide.

    IntervallesIl est passé près de moi sur le quai et je n'en croyais pas mes yeux. Ses vêtements étaient vraiment en lambeaux, ce rose qu'on voit sur la photo, ce sont ses cuisses, des lambeaux de pantalons pendaient lamentablement sur ses jambes, et ses pieds étaient recouverts de tissus avec de gros morceaux de scotch sur les orteils (un instant, j'ai repensé à ma mère et à ça, qu'on appelait des chaussettes russes, et qu'enfant, elle nous racontait avoir portés dans la neige). Le pire, c'était cette couleur de peau, grise, poussière, boue séchée. Que faire à part tenter quelques paroles, donner un peu d'argent. Je suis allé vers lui, qui en fait, de près, était "elle". J'ai souri, parlé, tendu  des pièces. "Non, merci !" m'a-t-elle répondu en détournant la tête, souriante et polie. Je n'ai pas compris. Et puis, tout en baragouinant quelque chose que je n'ai pas saisi et en s'éloignant, elle s'est mise à parler fort en déclamant qu'il fallait qu'elle rentre chez elle, qu'elle rentre chez elle, qu'elle rentre chez elle... J'ai imaginé une douce dingue, pas dangereuse sans doute mais au mental disturbé, dont on ne sait que faire et qu'on lâche dans la nature citadine. Je devrais pourtant être "habituée" dans cette gare de Lyon où marche un homme nu sous une couverture pour unique vêtement, où est assis souvent, toujours à la même place ce vieil homme au regard tellement opaque qu'il me semble aquatique ; je me suis toujours demandée ce qu'il comprenait des vieux journaux qu'il lisait. Mais en face de cette femme aux cuisses nues, sans âge mais sans doute "jeune", "abandonnée", j'ai été bouleversée.

    Tout ça fait partie de la vie de tous les jours, des dissemblances, des injustices. Quelquefois nos problèmes, d'autres, certes, quelque réellement difficiles qu'ils puissent être à résoudre, semblent si dérisoires. Mais ce n'est pas une raison. J'ai un peu l'impression de me mettre à dire des choses d'un registre un peu bateau, là. Tant pis, on ne peut pas toujours faire de la poésie. Ce soir, je la laisse à d'autres, en musique, pour la douceur de certaines joies, et l'énergie, et le talent, en me persuadant qu'il y a peut-être un avenir pour quelque chose ; à travers certains jeunes, et par le  biais de certaines belles pulsations ! Un exemple ici (Sina reprenant les Byrds : merci Apo pour la découverte de cette petite nana).

    Je vous souhaite, pour les jours et les nuits à venir, des paysages verdoyants, des oiseaux chanteurs et des rêves de vols roses ennuagés de blanc. 

     


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