• Roses à épines

     

    Roses à épines

     

         Ce me fut un choc, au réveil, de découvrir là, sous ma fenêtre, en contrebas, cette scène.
    Il devait être dans les huit heures : elle était près de l'abribus, sur le trottoir de cette rue très passante, au vu et au su de tous, au milieu, complètement au milieu de la vie des autres. Et cette couverture, rose layette, me faisait de cette scène quelque chose d'encore plus incongru, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que c'est un mot, adjectif ou nom, qui évoque plutôt a priori des choses douces dans la vie : Être sur un petit nuage rose.

        Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. Les siennes devaient être bien fanées déjà, ou avaient même pourri dans une vie glauque ; mais je n'en sais rien. Elle a bu du lait, s'est levée d'un seul coup.

     

    Roses à épines

     

    Roses à épines

     

         D'un geste vif, elle a pris le barda encore valide, tiré la couverture à elle et l'a traînée sans se retourner vers ce qui ne lui était plus utile, laissant la seule trace efficiente de certaines vies dans ce qu'on voit d'elles : des déchets. Elle partait comme on s'enfuit.

     

    Roses à épines

        Des scènes de rue qu'on voit maintenant partout. Ma ville est assez, comment dit-on, bourgeoise ? N'empêche que, hormis cette femme, là, dont il était difficile de deviner l'âge (la cinquantaine ?), la partie sous la bretelle d'autoroute, à gauche, est habitée depuis plusieurs années par un groupe de jeunes qui y ont élu domicile, et au-dessus, sont-ce les vacances et la plus faible fréquentation passante, voire le refus de donner de l'argent des automobilistes qui les ont fait s'éloigner,  on voyait il y a encore peu de temps mendier en alternance un vieillard claudiquant et une empaquetée traînant sa fillette avec elle.
        Quels passés font qu'on se retrouve comme cette femme, là, sans avenir apparent, vivant la minute présente en ne voyant plus rien autour,  dans une sorte de fracture du temps et de l'action, dans un vide qu'on suppose absolu ?

     

    Roses à épines

     

        La femme a traversé sans regarder et disparu au coin de la rue rapidement. Sa grosse couverture rose la suivait comme un chien fidèle.

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 4 Juillet 2021 à 07:23

    Que dire devant cette scène? mon impuissance sans doute...

    Que de vies à la rue sans avenir! Que fait la société?

    Allons-nous encore accepter cela sans rien faire??? des mots pour des maux....

    Bises de Mireille du sablon

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 07:28

        Merci Mireille.
        Bises.

    2
    Dimanche 4 Juillet 2021 à 09:48
    La Baladine

    La vie dans ce qu'elle offre de spectacle tragique, tragiquement banal hélas. Il suffit d'un "accident" de la vie,  rupture familiale, rupture sociale, perte d'emploi, impayé de loyer, surendettement, souci de santé, les choses s'accumulent ou s'enchevêtrent et c'est la spirale infernale.  Sans compter le travailleur pauvre en attente de logement social et le réfugié sans titre de séjour... 

    Un regard, une attention comme celle que tu portes avec ton appareil, mais au moment de croiser la personne, un sourire, un bonjour, quelques mots, c'est toujours un peu de bienveillance respectueuse, une considération d'humain à humain. Devant un magasin d'alimentation, je demande ce qu'il ou elle voudrait, la réponse est quasi invariable, du jambon, du pain. Je donne souvent un ticket resto. J'ai un ami qui descendait tous les matins un café au Sdf qui campait pas loin de son entrée d'immeuble, en partant bosser...

    Faire ce qu'on peut, à sa toute petite échelle, mais surtout, ne pas détourner les yeux ♥

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 10:13

        Ah ! Tu as réussi à entrer : c'est bien ... ;-)
        Ici ou là, sur ce blog, j'ai déjà raconté des anecdotes de gens perdus qui m'ont bouleversée. Comme ton ami, et en le disant avec une certaine dérision, j'ai mes pauvres ... Quand j'allais travailler, en particulier, je voyais souvent le même vieil homme sur le quai du RER vers Cergy ; j'avais prévu pour lui de l'argent et du gâteau-maison . Malheureusement, il en avait toujours l'air gêné, et moi aussi, du coup. Dans ces cas-là, je ressens de la pitié : ce n'est pas un sentiment que je trouve très noble, mais c'est comme ça ...
        Il m'est déjà arrivé de détourner les yeux ... et même, d'être tellement en colère contre le monde que j'en arrive à l'être contre certains d'entre eux, dans certaines circonstances ... je ne suis pas toujours quelqu'un de compatissant tu vois, ni de bien, si c'est être bien que de l'être.
        Et je me doute que quand elle commence, la descente doit vite s'accélérer et souvent devenir irréversible, sans une grande aide extérieure et beaucoup de courage et d'énergie.
        Merci pour ton commentaire et bonne journée à toi.

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 11:27
        La Baladine

        Sincèrement, je ne sais pas ce qu'est "être quelqu'un de bien", certainement pas quelqu'un de parfait, en tout cas! Quelqu'un d'ordinaire qui fait parfois, quand c'est possible,  des choses qu'on dit petites et qui font que l'humanité avance, peut-être, un peu comme le dit la chanson ;-)

        Ce n'est guère difficile de prêter attention quand on vit comme moi dans une petite ville. En plein Paris, si tu t'arrêtes à chaque personne en détresse, tu n'avances pas! Et puis on n'est pas toujours disponible pour les autres, la tête farcie de trucs pas marrants, aussi, ça arrive. Ça m'arrive aussi.

        Je t'embrasse.

         

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 11:34

        ;-)  Je t'embrasse aussi.

    3
    Dimanche 4 Juillet 2021 à 10:09

    Oui La Baladine, ne pas détourner les yeux, les voir, leur parler, échanger un sourire, fumer avec eux une cigarette, leur offrir un "espace" d'humanité quand ils ont tout perdu ... faire ce qu'on peut à sa toute petite échelle et râler à l'encontre de nos sociétés modernes qui créent tant de misère ... comme on se sent impuissant !

    amitié .

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 10:14

        Les regarder en face, tenir leurs mains, au sens propre du terme, ça me semble important.
        Merci. Amitié.

    4
    Dimanche 4 Juillet 2021 à 10:12

    Poignante poésie du quotidien qui rime avec vie de chien. Bon dimanche à toi.

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 10:15

        ;-) Merci Thierry.
        Et bon dimanche à toi aussi.

    5
    Dimanche 4 Juillet 2021 à 19:37
    daniel

    Une triste scène d'un phénomène dont on ne parle pas: l'accroissement de  la misère et de la pauvreté et donc de l'accroissement des inégalités sociales. Quel fossé entre cette dame et François Pinault. Peut être a-t-il plus travaillé qu'elle......Mais quand même ! Paris est truffUé de cette misère qui s'installe partout.

      • Dimanche 4 Juillet 2021 à 19:58

        Oui, partout.
        Merci de ton passage Daniel.
        (Ah, sache que je n'ai pas pu, une fois de plus, te laisser un com ... je cite :service unavailable).

    6
    Lundi 5 Juillet 2021 à 09:33

    C'est pourtant une triste réalité quotidienne.Les laissés pour compté des société modernes.

    Que d'histoires tristes derrière ces scènes qui se répètent trop souvent.On se sent bien impuissants devant tant de misère . la vie n'est pas couleur de sa couverture.....

    Bonne semaine

      • Lundi 5 Juillet 2021 à 10:05

        Merci.
        Bonne semaine.

    7
    patrick
    Lundi 5 Juillet 2021 à 15:57

    Malgré toutes les explications possibles et imaginables qu'on puisse donner  à la misère de cette personne , je n'arrive pas à en trouver une seule qui puisse justifier qu’elle laisse ses détritus à même le sol , alors qu'une poubelle est a moins de 2 mètres..... Sauf à être complètement " habitée" par ses voix et son délire, ce qui donne un sens parfaitement différent a ce qui devrait être fait pour elle, ou qui puisse lui être proposé.

      • Lundi 5 Juillet 2021 à 16:20

        :-) Merci, Patrick ! ♥

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