•   (écrit le mercredi 3 avril)

    Obsolète*

     

        La pub. Même si je l'évite la plupart du temps, des choses nous tombent devant les yeux : il me revient aujourd'hui en tête l'image d'une commode transportée sur un brancard, après sa mort. J'avais trouvé ça incongru, c'était le but, mais l'absurde ne me dérange pas, j'aime bien même, et j'avais souri. Je pense à ça à nouveau à cause de ce matin. Il y a vingt-six ans presque jour pour jour, j'allais chercher ma nouvelle voiture, une Punto, après la mort de l'ancienne (une AX rouge, ma première neuve avec laquelle j'ai roulé, partout, des années -je ne sais plus combien- et qui m'a lâchée avec une panne gravissime).
        Je confie hier ma Fiat au garagiste pour le contrôle technique de la vieille dame encore vaillante oui mais vacillante : odeur de chaud, fumée anormale ; c'est grave docteur ? C'était pas gagné pour ce contrôle-là mais moi une voiture, tant que ça roule, je la garde (décroissance !!). J'attends le coup de fil, fébrile, du débrief.
       Le garagiste m'appelle et dit : "Je n'ai pas de  bonnes nouvelles (ou peut-être a- t-il dit carrément qu'il en avait de mauvaises, j'ai oublié mais ça revient au même). Faut arrêter ! Elle n'est pas seulement en piteux état, elle est dangereuse".
       Un pot d'échappement, ça se change. Une batterie qui se décharge très vite, ça se change. Mais en plus, il a constaté une fuite d'huile et, pire, une fuite d'essence : la bagnole part de tous les côtés. Je m'attendais à une douloureuse, mais pas à un envoi direct au cimetière. Je sais bien que le matériel n'est pas le plus important dans la vie (ça l'est quand même, important !), mais une voiture, surtout aussi longtemps (et une vraie voiture, selon moi, celle qui privilégie la mécanique, non les  tableaux informatiques et les bip-bip incessants du tas de tôle autoritaire) ça évoque des tas de souvenirs de voyage et de vie, même si depuis quelques années elle ne faisait plus que quelques kilomètres par an et continuait de me coûter des sous pour (presque) rien ! J'ai envie de pleurer ... d'ailleurs j'essuie une (vraie) larme.
        Elle aura calanché un peu avant ses 100 ans (99592 kilomètres au compteur). Requiescat in casse ! Bientôt ! Je vais tout à l'heure signer les papiers d'abandon et la voir pour la dernière fois avant disparition. C'est con mais ça m'émeut et m'attriste. Et tant pis si l'on me trouve ridicule avec cet évènement-là.

     

     Quelques heures plus tard ... 

     

    Obsolète*

     

         Ma titine est parquée dans un coin en attendant que le ferrailleur s'en occupe, lavée de pluie comme de larmes symboliques. Je la vide de toutes les babioles contenues dans la boite à gants et le coffre. Je m'assois une dernière fois sur le siège-conducteur et reste quelques instants immobile. J'écoute un moment mon passé. J'ai conscience du ridicule de mon émotion mais je m'en fous. Depuis 1998, quand même, que ma fidèle monture m'emmène partout où je veux sans me poser le moindre problème !
       Comme souvent, comme toujours, afin de boucler le dossier, je prends des photos ...

     

    Obsolète*

     

    Obsolète*

     

     Obsolète*

     

       En rentrant, dans SA voiture, je suis silencieuse et me sens comme une gamine qu'on a privée d'un jouet qu'elle a depuis longtemps : j'ai peine à retenir mes larmes. Je pense aux voyages, aux vacances, aux voitures passées en général, les quelques miennes, celles de mes parents. J'ai envie de chercher des photos de tout ça, de réveiller des souvenirs de vie, je le ferai peut-être, si je parviens à braver ma paresse pérenne.

     

    Sniff'n'the tears, Driver's seat

     

    *Ce n'était pas une Chrysler et elle n'était pas rose, mais comme l'album voiturier ci-dessous m'a évoqué ce titre, j'y ai pensé pour ma Punto grise, obsolète, en route pour un grand final à la César !


     


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